C.O.V. : réglementation, techniques de traitements et expérience locale BETHUNE

Cadre réglementaire de la réduction des émissions de composés organiques volatils

Sébastien DELHOMELLE Inspecteur des installations classées à la DRIRE de Béthune

1. Le programme européen de réduction des COV

Le cadre réglementaire de la réduction des émissions de composés organiques volatils s’inscrit dans un programme européen. Il s’articule autour de 4 textes :
 la directive communautaire du 11 mars 1999
 la convention de Genève
 les protocoles de Göteborg en 1999
 la directive du 23 octobre 2001

2. Les objectifs français

La directive du 23 octobre 2001 fixe les plafonds d’émission nationaux pour certains polluants atmosphériques. Les objectifs pour la France sont donc une diminution des émissions de COV de l’ordre de 57% entre 1997 et 2010 : c’est un élément très important pour la lutte contre la formation excessive d’ozone et les effets indésirables des COV sur la santé. La réglementation française a été récemment modifiée afin de prendre en compte cette directive européenne, notamment en ce qui concerne l’utilisation de solvants organiques dans certaines activités et installations.
Cette directive a été transcrite en droit français par la modification de l’arrêté du 2 février 1998, notamment par la modification des arrêtés du 29 mai 2000 et 2 mai 2002. La réglementation française laisse le choix aux exploitants d’installations soit de respecter des VLE (valeurs limites d’émissions), prévues pour les émissions canalisées et diffuses de COV, en mettant en place des technologies de réduction des émissions (captation, incinération, ...), soit de mettre en place un SME (schéma de maîtrise des émissions). Le SME permet de s’exempter du respect des valeurs limites d’émissions en concentration, tout en garantissant que le flux total annuel des émissions de COV ne dépasse pas celui atteint si les valeurs limites étaient appliquées.

3. Les champs d’application

Les prescriptions pour l’émission de COV s’appliquent aux installations soumises à autorisation par l’arrêté du 2 février 1998 modifié. Les prescriptions pour les installations soumises à déclaration figurent dans les arrêtés types, applicables d’office à ces installations. Les principales dates à retenir sur le calendrier de mise en oeuvre sont le 31 janvier 2004 pour le dossier justificatif en cas de dérogation à l’arrêté, et le 31 octobre 2005 pour l’application.
Les deux approches de la réglementation sont l’approche VLE et l’approche SME. Dans les deux cas, l’objectif est de garantir des émissions de COV en flux équivalents, soit par le respect de valeurs limites d’émission, soit par la mise en place d’un SME qui garantit des émissions équivalentes.

Pour le dégraissage des surfaces, on prend en exemple une installation type émettant 900 kg de COV par an, soit 700 kg par an d’émissions canalisées et 200 kg par an d’émissions diffuses. L’option VLE met en place un système d’abattement, avec la norme limite d’émission de 20 mg/Nm3, pour des émissions totales de 185 kg émis par an et une consommation de solvants de 1 000 kg/an.
Si on considère maintenant un SME, l’utilisation de peintures à basse teneur en solvants aboutit à ces mêmes émissions de 185 kg/an, sans mettre en place des systèmes de dépollution parfois coûteux.
Le SME se base sur le plan de gestion de solvants, et donne une connaissance exhaustive des entrées et sorties des installations. Il est obligatoire pour toute installation qui consomme plus d’une tonne de solvants par an. Le bilan massique annuel permet de quantifier les entrées et les sorties des solvants dans les installations. Les mesures sont faites sur la quantité de produits solvantés consommée, de produits solvantés recyclée, de solvants émise par l’installation et les émissions diffuses de solvants dans l’installation. L’intérêt de ce plan de gestion de solvants est de rationaliser la consommation de solvants en identifiant notamment les pertes et de démontrer à l’autorité de contrôle compétente (c’est à dire la DRIRE) que les engagements pris au titre d’un SME sont respectés.

4. Le schéma classique d’un plan de gestion des solvants

Le but est de faire un bilan exhaustif des émissions :
 les quantités de solvants utilisées ou réutilisées
 les émissions canalisées (les plus faciles à quantifier) ou non captées
 les solvants détruits ou captés
 les solvants récupérés mais non utilisés à l’entrée de l’installation
 les solvants dans les préparations vendues
 les solvants dans les déchets
 les impuretés ou résidus dans le produit fini
 les rejets dans les eaux résiduaires

Le SME se base sur une installation de référence, prise en compte lorsqu’aucune technique n’a été mise en oeuvre pour réduire les émissions. Celle-ci correspond au niveau atteint en absence de toute mesure de réduction des émissions de COV mise en oeuvre sur l’installation de référence à une date donnée, exprimée en tonne de COV par an.
Pour déterminer cette installation de référence, une année de référence a été choisie : l’année précédant la mise en place de la technique de réduction des émissions. Le tonnage des émissions de l’année ainsi déterminée constitue l’EAR (émission annuelle de référence). Si des difficultés existent pour définir les termes de l’année de référence, l’installation de référence sera par défaut la situation de l’installation au 1er janvier 2000. Les EAR sont égales à la somme des émissions canalisées et des émissions diffuses.

5. L’exemple des activités de revêtement

Les données fournies pour déterminer les émissions cibles sont les émissions annuelles de référence et les coefficients appliqués à ces installations. L’installation cible est l’installation dont le flux annuel de COV équivaut à celui qui serait obtenu en appliquant, sur l’installation de référence, les valeurs limites d’émissions canalisées et diffuses définies dans les textes réglementaires. L’objet du SME est de passer, pour l’installation considérée, de l’EAR à l’EAC (émission annuelle cible). L’EAC se calcule à l’aide d’une formule mathématique, qui dépend des émissions canalisées et des émissions diffuses :

EAC = Qref x VLEc + VLEd x (I1ref + I2ref)

Qref étant le débit des émissions canalisées de référence
VLEc étant la valeur limite des émissions canalisées
VLEd, la valeur limite des émissions diffuses
I1ref et I2ref sont respectivement la quantité de solvant consommée annuellement et la quantité de solvant recyclée en interne (qui constituent les solvants à l’entrée).
Une autre méthode forfaitaire est au choix de l’exploitant. Elle est définie dans l’arrêté ministériel applicable aux domaines concernés. Pour l’activité de nettoyage, l’EAC est égale à 0,45 fois l’EAR.

6. Echanges avec la salle

Jean-Pierre CORBISEZ
Les entreprises sont soumises à une taxe sur leurs rejets dans l’atmosphère. La méthode de calcul est-elle au choix de l’entreprise ou est-ce la DRIRE qui décide ?

Sébastien DELHOMELLE
Deux aspects se confrontent : pour l’EAR, la méthode est laissée au choix de l’entreprise, avec validation par l’inspection des installations classées. Elle est fixée au 1er janvier 2000. Néanmoins, les entreprises ayant alors déjà mis en place des systèmes de dépollution peuvent considérer que leur émission à cette date n’est pas une émission sans installation de dépollution. Une discussion permettra de définir l’émission de référence, en prenant en compte ou non le système de dépollution actuel de l’entreprise. Ce système peut être à jour pour la capacité de dépollution, ou obsolète, auquel cas le pourcentage du système de dépollution à prendre en compte doit être défini.

Jean-Pierre CORBISEZ
La discussion avec la DRIRE porte sur les engagements de l’entreprise à mettre en place des techniques de dépollution, plutôt que sur le calcul d’un volume de rejet dans l’atmosphère (dans ce dernier cas, des entreprises sont tentées de faire un calcul forfaitaire pour payer moins de taxes).

Sébastien DELHOMELLE
Dans tous les cas, le calcul forfaitaire a ses limites. La mise en place d’un SME ne doit pas entraîner une augmentation des rejets de l’entreprise, même si elle pourrait le faire par le calcul.

Mireille HAVEZ (association environnement et développement alternatif)

Sébastien DELHOMELLE
La détermination de l’EAR est une démarche nouvelle. Pour aider à ce calcul dans différents domaines, le ministère de l’Environnement, avec différents syndicats professionnels, publie des guides de rédaction d’un SME listant les installations de référence. Le dernier guide à paraître concerne la mécanique, la plasturgie, l’électricité et l’électronique. Il permet, pour tout un secteur d’activités cohérent, d’avoir un référentiel pour avoir des EAR communes.

José LAGACHE (Verquin Environnement)
Les documents fournis pendant la séance indiquent que le SME peut s’exempter du respect des valeurs limites, si le taux global annuel est respecté. S’agit-il de valeurs horaires ou journalières ? Les effets de pointe conséquents ne seraient-ils pas alors gênants ?

Sébastien DELHOMELLE
L’arrêté du 2 février 1998 fixait principalement des limites en concentration. La commission européenne est revenue sur ce point : l’impact le plus important sur l’environnement est le flux, et pas nécessairement la concentration. Cela permet donc de s’exempter des valeurs limites en concentration, et pas en flux. L’exploitant a la charge de lisser les émissions sur l’année. Mais les pics d’émission ne sont pas concevables.

José LAGACHE
Si des pics ne sont pas concevables, comment faut-il procéder dans le cas où le SME est choisi ? Qui repère les pics, quelles mesures sont prises, quelles dispositions sont prévues ?

Sébastien DELHOMELLE
Le SME est basé sur une réduction des émissions à la source, notamment par l’utilisation de produits moins solvantés. La gestion des flux doit donc permettre de limiter les émissions. A fortiori, cela permet aussi de limiter les pics d’émission.

Mireille HAVEZ
La mise en place du SME dispense-t-elle l’entreprise d’autocontrôle sur ce type de polluant ?

Sébastien DELHOMELLE
Non, puisque l’entreprise doit justifier ses émissions par calcul. En revanche, l’entreprise peut être dispensée de mesure pour les émissions canalisées.

Bertrand PLANCKE (responsable environnement de la société GT Benalu)
Toute entreprise a une capacité de production et n’arrive pas toujours aux limites de cette capacité. Pour l’année de référence, faut-il prendre dans une entreprise le maximum productible sans avoir changé la production en général ’

Sébastien DELHOMELLE
Les émissions sont calculées à capacité de production constante. Il est donc possible qu’une année, la production suive bien les calculs, alors que l’année suivante, elle soit 50% en dessous de ce qui est prévu. Il y a des limites pour choisir l’année de référence (on ne peut pas remonter dix ans en arrière, par exemple). Des justifications de variation de production sont donc possibles si une production est légèrement supérieure aux prévisions, mais cela est relativement limité. Les arrêtés réglementant les normes d’émission pour les installations soumises à autorisation sont pris à capacité de production maximale. Une capacité de production inutilisée pénalisera donc forcément l’entreprise.

Bertrand PLANCKE
Actuellement, les limitations de COV se font par produits, par concentrations et par flux : elles n’englobent donc pas du tout la multiplication des produits sur l’année, alors que pour le plan de gestion, une année de référence est choisie et le volume est donc repris sur l’année. La photographie de l’entreprise est prise sur une année n, alors qu’actuellement, le calcul se fait par véhicule, par jour et par concentration.

Sébastien DELHOMELLE
Oui, et le SME efface complètement la notion de concentration.

Bertrand PLANCKE
Est-il possible de prendre le volume maximum de production comme année de référence ?

Sébastien DELHOMELLE
Ce point doit être vu au cas par cas : la capacité maximum ne doit pas forcément être celle prise en compte.

Comptes-rendus