Le contexte de l’épandage dans le cadre du recyclage
Marie LEROY Responsable du SATEGE1 du Pas-de-Calais
1.2. Contexte régional agricole et urbain
Trois caractéristiques régionales font de l’épandage en Nord Pas-de-Calais une question cruciale.
1.1.1. Une démographie importante
La forte densité de population de la région Nord-Pas de calais (320 hab. / km2 pour une moyenne nationale de 100 hab. / km2) induit une production importante de sous-produits organiques : boues de stations d’épuration urbaines, déchets verts, fractions fermentescibles d’ordures ménagères.
1.1.2. Une agriculture présente
L’agriculture occupe 67% du territoire (pour une moyenne nationale de 50%). Il s’agit d’une agriculture diversifiée, qui subit des contraintes environnementales importantes, notamment à cause de la présence d’une agriculture périurbaine et/ou sollicités d’un point de vue environnemental (par exemple en terme de ressources en eau pour les grandes collectivités).
1.1.3. La présence de l’industrie agroalimentaire
Le Nord Pas-de-Calais est fortement industrialisé, notamment par la présence du secteur agroalimentaire.
1.2. Cadres réglementaires
Deux cadres réglementaires régissent le recyclage des sous-produits organiques en agriculture.
1.2.1. La réglementation " déchets "
Elle concerne les effluents urbains et industriels. Le producteur est responsable de l’élimination finale de son déchet : il doit mettre en place, à chaque maillon de sa filière, une démarche de traitement des déchets, avec un plan d’épandage et un suivi agronomique.
1.2.2. Le statut de " produit "
Elle concerne le compost de bio-déchets ménagers, de fermentescibles d’ordures ménagères, de déchets verts, et certains sous-produits industriels (écumes et vinasses). Le sous-produit n’est plus considéré comme un déchet mais comme un produit. Le producteur est responsable de son produit jusqu’à sa mise en marché.
La normalisation du produit : le producteur se rattache à une norme existante (norme amendement organique, calcique’).
L’homologation est au contraire une démarche volontaire, le producteur revendique la garantie qu’offre son produit en terme d’intérêt agronomique, innocuité et constance de composition.
1.3. Catégories des sous-produits organiques
1.3.1. Quatre catégories2
– Effluents agricoles (déjections animales) : 480 000 tonnes / an de MS3
– Effluents industriels : 100 000 tonnes / an de MS
– Effluents urbains : 30 000 tonnes de MS
– Compost urbain : 42 000 tonnes / an de MS, en augmentation ; ces produits rentrent dans le cadre de produits normalisés.
1.3.2. Les effluents urbains
Ce sont des sous-produits générés par les stations d’épuration urbaines. Dans le Pas-de-Calais, 185 000 tonnes brutes sont produites annuellement. Fait spécifique du bassin Artois-Picardie, le taux de recyclage de ces boues en agriculture est très important.
Ces boues sont principalement recyclées sous forme de boues liquides ou de boues déshydratées (chaulées ou non).
Depuis quelques années, certaines boues sont recyclées en agriculture après compostage (environ 4000 tonnes de MS).
Le département compte 121 stations d’épuration urbaines, dont 86 produisent 98% des boues.
Les autres ont des capacités épuratoires plus modiques. 32 stations sont équipées d’un système de déshydratation mécanique. 13 d’entre elles ont une capacité de plus de 50 000 équivalents habitant et sont à l’origine de 65% de la production de boues du département.
Afin de pratiquer l’épandage, ces 13 stations doivent mettre en place un plan d’épandage soumis à enquête publique.
Les boues recyclées peuvent se présenter sous différentes formes :
– solide
– pâteuse
– liquide
= 90% des boues
Depuis la fin des années 70, le volume des boues recyclées en agriculture a augmenté considérablement dans le bassin Artois Picardie. Ces boues présentent un intérêt agronomique pour l’agriculteur : elles apportent des éléments fertilisants (azote et phosphore) et jouent le rôle d’amendements calciques (lorsqu’elles sont chaulées) ou organiques (lorsqu’elles sont compostées).
Les teneurs en éléments traces métalliques sont assez élevées : elles régressent dans le temps pour certains éléments (plomb, mercure notamment), sont plutôt constante pour d’autres. Ces teneurs oscillent entre 5 et 35% des valeurs limites réglementaires.
Les principaux bassins de production sont l’Artois et le bassin Minier, ainsi que le littoral. Ce sont donc les arrondissements du département les plus sollicités par l’épandage :
1.3.3. Les effluents industriels
Les industries à l’origine de la production d’effluents sont :
– l’industrie agroalimentaire : elle génère des eaux résiduaires (industrie sucrière), des effluents liquides (entre 3 et 8% de MS) et des effluents solides déshydratés parfois chaulés. Dans le Pas-de-Calais, 26 filières d’épandage recyclent 50 000 t de MS ;
– l’industrie papetière : elle génère des effluents pâteux ou solides. 6 filières (dont une en provenance du Nord) recyclent 50 000 t de MS
– l’industrie textile : elle génère des effluents pâteux ou solides.
– l’industrie chimique
Le tonnage global annuel d’effluents industriels recyclés sur le département est de l’ordre de 100 000 tonnes de matières sèches.
Les teneurs en éléments traces métalliques sont globalement faibles, quelle que soit la branche industrielle concernée, et oscillent entre 2 et 15% de la valeur limite réglementaire.
Les intérêts agronomiques des effluents industriels sont plus diversifiés que ceux des effluents urbains, car ils sont liés aux process d’obtention de chaque type d’industrie.
– effluents utilisés en ferti-irrigation : ce sont principalement les eaux résiduaires
– effluents utilisés comme fertilisants : ce sont les effluents liquides des industries agroalimentaires et pâteux de l’industrie papetière, qui ont une forte teneur en azote et en phosphore, ainsi que les effluents pâteux et solides de l’industrie textile, source de potasse, effluents solides de l’industrie agroalimentaire, source d’azote, de phosphore, de chaux
effluents utilisés comme amendement organique : ce sont les effluents solides des industries papetières.
La répartition géographique des surfaces d’épandage fait apparaître que les secteurs géographiques sollicités sont à proximité des sites de production. L’Artois et le bassin minier (secteur de Béthune) sont fortement sollicités, car les amendements organiques générés par l’activité industrielle intéressent leur agriculture.
1.3.4. Le compost
Les composts présentent différentes caractéristiques en fonction des matières qui les constituent : déchets verts (tontes, élagages), bio déchets ménagers (provenant du tri sélectif), effluents urbains, industriels ou agricoles. Dans le département, 11 sites génèrent 42 000 tonnes de MS de composts par an.
1.3.5. Les effluents agricoles
Sur les 480 000 tonnes de MS, 446 000 tonnes sont produites par des élevages bovins, suivis par les élevages de volailles et les élevages porcins. Une proportion importante des déjections agricoles est produite sous forme de fumiers.
1.3.6. Les importations d’effluents organiques sur le département du Pas de calais
Les importations (et aussi un peu d’exportations) de sous-produits organiques venant des départements voisins et des pays limitrophes sont une spécificité du département du Pas-de- Calais. Il s’agit essentiellement d’effluents urbains, en provenance de la région lilloise et d’effluents agricoles (fientes de volailles), en provenance de Belgique.
Chaque année, les effluents industriels sont épandus sur environ 2,5% de la surface
agricole. Ce chiffre est d’un peu plus de 2% pour les effluents urbains, de plus de 12%
pour les effluents agricoles, de près de 1% pour les composts et de 1,5% pour les fientes
de volailles.
1.4. Echanges avec la salle
Yves EMERY : quelles sont les causes de la diminution favorable des teneurs en métaux
lourds depuis 1995 (notamment pour le mercure) ? Peut-on envisager des projections ?
Marie LEROY : la baisse du mercure est due à l’amélioration du traitement des
déchets du secteur médical. La projection des évolutions futures semble difficile.
Michel AVENARD : les dentistes et les établissements hospitaliers sont confrontés au
rejet des amalgames dentaires. Depuis 1997, une politique d’incitation financière, mise
en place par le ministère et les DDASS, incite les dentistes à s’équiper de séparateurs
d’amalgames.
Philippe HAUET : les résultats (teneurs en baisse et inférieures aux valeurs
réglementaires) sont satisfaisants. De petites actions (comme celles pour les dentistes)
peuvent changer globalement les choses.
Robert TROUVILLIEZ, Nord Nature : y a-t-il eu des recherches sur les pesticides ou les
fongicides, qui peuvent être présents dans les boues ’
Marie LEROY : la réglementation prévoit effectivement le suivi de certains
composés, notamment organiques. On retrouve des traces de pesticides ou fongicides à
des teneurs inférieures à celles de la réglementation.
Robert TROUVILLIEZ : qui assure le contrôle de ces éléments ’
Marie LEROY : il y a deux types de suivis analytiques :
– l’un effectué par le producteur lui-même, à une fréquence prévue par la
réglementation suivant la quantité d’effluents produits et recyclés
– l’autre effectué par le service du SATEGE, service indépendant chargé du suivi
des filières d’épandage ; il complète les analyses réalisées lors de l’auto
surveillance.
Robert TROUVILLIEZ : les agriculteurs ont-ils leur mot à dire dans le choix des gens qui
contrôlent les boues ’
Marie LEROY : les agriculteurs sont informés des analyses (auto surveillance et/ou
SATEGE) du lot de boues qui leur est livré.
Jean-Louis WATTEZ, (Nord Nature Commission de la Ressource en Eau du SAGE5 de la
Lys) : l’épandage concerne aussi la ressource en eau. Existe-t-il des cartographies des zones
d’épandage ’
Marie LEROY : le SATEGE centralise les données des plans d’épandages du
département. Le SATEGE travaille actuellement sur ces éléments.
Jean-Louis WATTEZ : ces éléments devront être pris en compte dans le SAGE, il est
donc important de disposer d’outils de mesure et d’éléments cartographiques.
Les aspects réglementaires de l’épandage
Gérard ANTOINE Ingénieur Déchets de la DRIRE Nord Pas-de-Calais
2.1. Les effluents provenant des ICPE
Les installations classées pour l’environnement sont régies différemment selon qu’elles sont soumises à autorisation ou à déclaration.
2.1.1. Définition
Les installations soumises à autorisation relèvent du régime général défini par l’arrêté
ministériel du 2 février 19987. Ce dernier s’applique à tous types d’activités. Quelques
activités font exception et dépendent d’un arrêté ministériel spécifique qui impose une
procédure avec une enquête publique systématique (équivalente à celles de l’Arrêté
ministériel du 2.02.98 :
– les papeteries (très concernées par l’épandage) : arrêté ministériel du 3 avril 2000
– la préparation et le conditionnement du vin (peu présent dans le Nord Pas-de-Calais)
– les établissements d’élevage (contrôles par la DSV8)
Les installations soumises à déclaration relèvent d’une procédure sans enquête publique et ne sont en général pas autorisées à pratiquer l’épandage. Cette interdiction est rappelée dans les arrêtés - types de ces installations.
Certaines activités de l’industrie agroalimentaire et les élevages font exception lorsque les effluents présentent des qualités agronomiques et une absence d’innocuité vis à vis de l’environnement, de la qualité des sols et de la santé.
Dans ces cas là, l’épandage est autorisé et réglementé en application d’un article du code de l’environnement concernant le volet ICPE. Des arrêtés préfectoraux complémentaires sont également pris selon les formes prévues par le décret du 21 septembre 1977, relatif aux installations classées.
2.1.2. Procédure d’autorisation des épandages
La procédure d’autorisation des épandages est instruite lors de l’autorisation initiale de l’installation ou bien ultérieurement.
Certaines installations sont antérieures à la réglementation en vigueur. D’autres installations passent d’une filière traditionnelle d’élimination de déchets à une filière d’épandage.
Le pétitionnaire doit produire un dossier détaillant notamment la caractérisation de l’effluent, les tonnages annuels prévisionnels, la désignation des parcelles retenues (localisation, superficie, caractéristiques, ...).
L’inspection des installations classées bénéficie du concours d’un organisme spécialisé, le SATEGE, consulté systématiquement lors de la procédure d’autorisation, en plus des autres parties prévues par le décret du 21 septembre 1977.
Lors de la consultation, l’enquête publique a lieu sur chaque commune où sont situées des parcelles prévues pour l’épandage.
Enfin, une fois l’enquête terminée, un projet d’arrêté préfectoral est proposé au conseil départemental d’hygiène. Des prescriptions spécifiques relatives aux conditions d’épandage sont alors rédigées et publiées dans l’arrêté préfectoral d’autorisation.
L’arrêté reprend les principales prescriptions de l’arrêté ministériel du 2 février 1998, en particulier les articles 36 à 42 :
– périodes d’épandage
– teneurs limites des effluents ou des déchets épandus
– teneurs maximales en polluants des sols prévus
– équipements permanents d’entreposage
– dépôts temporaires (pour éviter des problèmes de nuisances type odeurs)
– obligations du producteur (programme prévisionnel d’épandage, cahier d’épandage, bilan annuel, analyse de déchets et de sols, contrats entre le producteur et ses prestataires qui assurent l’opération d’épandage, contrats entre les producteurs et les agriculteurs utilisateurs des effluents ou des boues’)
2.2. Les effluents urbains
Arnaud BRIZAY, chef de la MISE9, police de l’eau
2.2.1. Présentations de la MISE
La MISE rassemble les services de police de l’eau du département du Pas-de-Calais et
d’autres services liés au domaine de l’eau. La MISE est composée des instances suivantes :
DDAF10, DDE11, Service Maritime, Service Navigation, DDASS12 (eau potable), DDSV13,
(ICPE agricoles), DRIRE14, Agence de l’Eau et Conseil supérieur de la pêche et la DIREN15.
2.2.2. Réglementation
Le cadre réglementaire est presque similaire à celui qui s’applique aux ICPE. Dans le département du Pas-de-Calais, il y a environ 130 installations, dont 90 produisent des boues régulièrement. Les autres établissements sont des lagunages. 60 de ces 90 installations sont en règle, ou en cours de régularisation. Les 15 plus grosses stations du département représentent les 2/3 de la capacité épuratoire. 25 stations disposent d’un stockage de plus de six mois, mais 5 seulement disposent d’un stockage qui répond exactement aux exigences de la réglementation. 30 000 tonnes de MS sont épandues par an (95% en agriculture). Lors de la campagne de prélèvement en 2001, deux dépassements de normes ont été observés pour les ETM16 en raison de problèmes de suivi de réseau. Les composés traces organiques sont inférieurs aux normes.
Le SATEGE a relevé 60 plans d’épandages urbains, dont 55 dans le Pas-de-Calais et 9 provenant du Nord (6 de la communauté urbaine de Lille). La répartition est variable selon la population et le type de production.
Les cultures de la région de Saint-Omer ne se prêtent pas à l’épandage. Les grandes cultures de l’Artois, elles, peuvent en revanche absorber les épandages d’origine extérieure. Inversement, les productions animales du Boulonnais et leurs effluents font concurrence avec les boues urbaines de la région. Certains plans d’épandage urbain peuvent utiliser jusqu’à 50% de la SAU d’une commune.
Le cadre réglementaire est récent (fin 1997 ? début 1998) et s’appuie sur le Code de l’Environnement, les décrets issus de la loi sur l’eau et le décret spécifique sur l’épandage.
D’autres textes complètent la réglementation : règlement sanitaire départemental (RSD) et directive nitrates.
Par définition, les boues sont des déchets. Elles ne peuvent être épandues seulement si elles ont un intérêt agronomique pour le sol et les plantes. Elles doivent donc être traitées par différentes méthodes (la solidification, la stabilisation ou l’hygiénisation).
Les boues et les sols épandables doivent non seulement respecter des teneurs limites, mais également des flux limites.
Les quantités épandues sont calculées en fonction de la fertilité des sols et des besoins nutritionnels des plantes, en tenant compte des autres substances qui pourraient être épandues sur ces sols.
Les épandages doivent respecter des conditions de dépôts temporaires, des distances d’isolement (par rapport à des cours d’eau ou des points de captage) et également des périodes d’interdiction d’épandage.
Une auto surveillance doit être mise en place par le producteur, sur les différents éléments et oligo-éléments fertilisants et les éléments et composés traces organiques. Un certain nombre de documents doivent être tenus à jour, dont certains doivent être transmis au préfet, ce qui est fait en parallèle avec la procédure ICPE des registres d’épandage, du rapport annuel, du registre d’épandage et du bilan agronomique. Enfin, l’épandage sur des parcelles boisées et pour la revégétalisation (sur les dunes, par exemple) est évoqué dans le décret, mais les arrêtés d’application consécutifs ne sont pas sortis (les projets sont expérimentaux pour l’instant).
Comme pour les ICPE, deux régimes (autorisation et déclaration) sont en vigueur. Les procédures sont fixées par les décrets de la loi sur l’eau (ressemblantes aux procédures ICPE).
L’étude d’impact est appelée document d’incidence dans la loi sur l’eau et le SATEGE est consulté, comme dans le cas des procédures ICPE. La différence réside dans l’obligation d’une enquête publique pour les procédures d’autorisation des stations d’épuration urbaines.
Par rapport au dossier classique loi sur l’eau, un certain nombre d’éléments spécifiques sont prévus et concernent :
– le système d’assainissement et ses performances (notamment en terme de collecte)
– les principaux effluents qui sont raccordés (rejets industriels sur les STEP17 urbaines)
– les dispositions prises pour éviter les nuisances olfactives
Une étude portant sur les sols et sur la qualité des boues produites est nécessaire. L’accord
écrit des utilisateurs (agriculteurs) doit également figurer au dossier.
2.3. Echanges avec la salle
Serge MILLEVILLE, Président de l’association " Citoyenneté 2000 " : y a-t-il une autorité à saisir lorsqu’un problème d’épandage est constaté ’
Gérard ANTOINE : il faut d’abord vérifier le type d’activité à l’origine de la nuisance ou de la pollution constatée. S’il s’agit d’une installation classée, il faut s’adresser à la Préfecture. Une cellule d’alerte de la DRIRE sera prévenue et décidera de l’intervention.
Robert TROUVILLIEZ : la pratique de l’épandage sur les dunes est très nuisible à l’écosystème (animaux du marais et qualité des eaux marines). La faible présence de la végétation ne permet pas l’absorption des nitrates qui, dans ce milieu poreux, risquent de s’écouler vers la mer. L’Europe a rappelé la France à l’ordre car cette dernière n’a pas instauré des zones vulnérables protégeant les eaux de surfaces et les eaux marines.
Gérard ANTOINE : la DRIRE n a pas connaissance de projets d’épandage sur des dunes. Si de tels projets étaient menés, un dossier scientifique et technique devrait montrer l’intérêt et l’innocuité de l’opération.
José LAGACHE, de Verquin Environnement : quelle doit être une fréquence normale de
venue des tracteurs ? Y a-t-il une pente maximale du terrain, notamment lorsqu’un cours
d’eau est en bas ? Vider la benne en un seul endroit est-il considéré comme une pratique
normale ?
Arnaud BRIZAY : les terrains dont les pentes sont supérieures à 7% doivent être exclus des plans d’épandage. La présence d’un cours d’eau en bas de la parcelle put alors remettre en cause l’épandage sur ces terrains.
La pratique de déversement en un seul point est tout à fait répréhensible. Même les entreprises qui collectent les matières de vidange sont soumises à un plan d’épandage. Dans la réalité, aucune de ces entreprises n’est complètement régularisée, et les effluents sont souvent rejetés en tête de station d’épuration urbaine. Cette année, en accord avec le Préfet, la MISE enverra une lettre de rappel de la réglementation avec accusé de réception afin qu’en cas de verbalisation, les entreprises ne puissent pas prétendre qu’elles n’étaient pas informées. Cette lettre leur rappellera que tous les épandages de matières de vidange sont soumis à un plan d’épandage, notamment pour les vidanges des fosses des particuliers.
Jacques MINIOT, Maire de Maisnil-les-Ruitz : quels sont les gendarmes pour les dépôts de boues et épandages de boues à proximité des zones urbaines ?
Gérard ANTOINE : l’épandage à proximité des habitations doit être examiné attentivement lors de l’enquête publique, réalisée pour chaque commune dont au moins une parcelle est concernée par le plan d’épandage. Les populations et les élus doivent signaler leurs remarques et justifier scientifiquement une opposition au plan d’épandage. Un plan d’épandage n’est pas autorisé systématiquement dans sa première version : il peut être corrigé. La question des dépôts n’est pas suffisamment éclaircie par la réglementation. Pour limiter les nuisances, l’épandage doit se faire sur des périodes courtes : stockages temporaires à proximité des champs et centres de stockage longue durée chez les producteurs d’effluents sont fortement encouragés et de plus en plus nombreux. Enfin, améliorer le conditionnement des boues en les déshydratant mieux, permet encore de réduire les nuisances.
Jean-Louis WATTEZ, de Lestrem Nature : les dernières études d’impact sur le milieu naturel, d’un épandage de boues, sont légères. L’enquête publique pour l’épandage des boues de la station MAC CAIN avance que " la faible variété des milieux, parcelles cultivées, fossés, et l’absence de toute formation arbustive sur 38 communes ne favorise pas l’implantation d’une faune diversifiée, le site retenu n’offre d’habitat qu’à des espèces très communes ". A l’avenir, plus de sérieux serait souhaitable.
Arnaud BRIZAY : la description de l’étude d’impact sur les milieux naturels concerne les parcelles agricoles mais pas l’ensemble des 38 communes. Une parcelle agricole n’a en effet pas une vie écologique très diversifiée. Les études d’impact épandage peuvent effectivement progresser, notamment concernant les impacts sur les milieux environnants. Cependant, elles font partie des études d’impact les plus encadrées.
Jean-Louis WATTEZ, de Lestrem Nature : les terrains sensibles à l’érosion et au lessivage ne sont pas suffisamment pris en compte ; dans la réalité comment réaliser un épandage sur des petites parties de parcelles, sans que le reste de la parcelle ne soit concerné ? (exemple d’un terrain pentu de 4 hectares dont 1,1 hectares est exclu du plan d’épandage)
Arnaud BRIZAY : le respect des distances d’isolement reste difficile à mettre en ’uvre mais les agriculteurs disposent aujourd’hui d’outils modernes qui permettent de se placer très exactement par rapport à un cours d’eau ou à une limite. Dans l’exemple ci-dessus, l’agriculteur dispose de près de 3 hectares pour épandre, ce qui apparaît suffisant.
Alain JOUY, Mairie de Sailly-Labourse : l’un des dépôt est resté six mois sur une zone où la nappe phréatique affleurait. Quelle est censée être la durée d’un stock temporaire ? De plus, les communes sont-elles averties de tous les plans d’épandage ?
Gérard ANTOINE : les dépôts de déchets destinés au recyclage agricole18 sont soumis à autorisation au-dessus d’une certaine quantité. En deçà de cette quantité, ils sont soumis à déclaration et encore en dessous, ils ne sont pas soumis à la réglementation relative aux installations classées. Les seuils sont relativement élevés et la plupart des dépôts n’atteignent donc pas ces quantités. De ce fait, ils ne sont
pas contrôlés, ni réglementés par la police des installations classées.
En cas de nuisance, le maire peut intervenir en vertu de son pouvoir de police, qui lui est accordé par le règlement sanitaire départemental.
Arnaud BRIZAY : l’instruction des captages d’eau potable a résolu les dépôts temporaires de bouts de champs. En périmètre de protection rapprochée, s’il n’y a pas de protection suffisante de la nappe, les dépôts sont interdits, ainsi que certains épandages, comme le lisier. Lille a mis très tôt en place une filière d’élimination encadrée, mais elle n’est encore pas totalement régularisée réglementairement. Deux grosses stations vont bientôt être mise en enquête publique. Les maires sont tenus au courant des autorisations de plan d’épandage, car ils sont consultés dans le cadre de l’enquête publique. Dans le cas de la déclaration, la réglementation ne prévoit pas que les maires soient tenus au courant pendant l’instruction, mais la procédure prévoit qu’il y ait un affichage en mairie du récépissé de déclaration. La MISE a voulu qu’apparaisse dans ces récépissés de déclaration le relevé cadastral de toutes les parcelles et la liste des personnes qui épandent. Si la procédure est bien suivie, le maire connaît donc les personnes qui reçoivent les épandages et sur quelles parcelles.
Paul-Antoine SEBBE, de la société SEDE Environnement : l’étude d’impact est menée sur les seules parcelles concernées, les parcelles agricoles, sur lesquelles il n’y a pas ou peu d’animaux. L’épandage est bien un recyclage de sous-produits qui remplacent les produits fertilisants que devraient de toute façon apporter l’agriculteur. Il n’y a pas lieu de se préoccuper de la diversité biologique d’une parcelle agricole, ni d’ailleurs de monuments historiques, eux aussi absents des terres cultivées. Les produits d’épandage sont en général très organiques et les agriculteurs qui les utilisent depuis plusieurs années constatent une amélioration biologique des sols. Les enquêtes publiques se passent mal : les grandes collectivités interrogées produisent des boues destinées au monde rural. Il est étonnant de ne pas avoir de contestations de la part des maires qui émettent un avis défavorable qui n’est pas pris en compte. La réglementation a évolué et a mis l’accent sur les stockages, étapes les plus préjudiciable aux filières de recyclage. Mais les stockages nécessitent des investissements très lourds et demandent donc du temps. Enfin, les administrations doivent lutter contre les déversements en bord de champ. Ces pratiques, par leur retentissement dans la presse, portent grand préjudice à la filière entière du recyclage et aux gens qui essaient de bien travailler. Le recyclage est reconnu dans beaucoup d’activités, mais pose encore un souci aujourd’hui pour les boues.
José LAGACHE, de Verquin Environement : lorsque le déversement se fait à proximité d’un captage19, des mesures de protections sont prises. Ne faut-il pas prendre des protections identiques voire supplémentaires pour les champs captants20 ?
Arnaud BRIZAY : la MISE est responsable de l’instauration des périmètres de protection autour des captages d’eau potable. L’épandage en zone de captages d’eau potable ou de champs captants déclenche une expertise hydrogéologique. Cette dernière édicte des prescriptions (comme l’interdiction de stockage en bout de champ) reprises dans un projet d’arrêté et une étude d’impact. L’enquête publique déclare d’utilité publique le prélèvement d’eau et son utilisation pour la consommation humaine. L’arrêté prévoit aussi des mesures d’accompagnement (remise à niveau des installations, mise en oeuvre d’un assainissement autonome ou collectif qui protège le champ captant, sensibilisation et formation des agriculteurs). La MISE retranscrit les prescriptions de l’hydrogéologue agréé ou la DUP21 dans les avis qu’elle émet ou exige elle-même une expertise le cas échéant. Cette démarche conduit souvent au retrait de plusieurs parcelles et au durcissement des contraintes d’épandage.
Alain JOUY : actuellement, transporter 30% de matières solides signifie transporter 70% d’eau. La solidification et l’hygiénisation des effluents ne pourraient-t-elles pas apporter des solutions ’
Arnaud BRIZAY : Si. Les nuisances olfactives seraient notamment réduites. Le développement des stockages sur place ou dans un site adéquat serait une solution encore plus efficace. La loi sur l’eau impose une obligation de résultat à l’exploitant : ce dernier doit prendre les mesures nécessaires pour éviter toute nuisance, qu’elle soit olfactive ou polluante pour la ressource en eau.
EVOLUTION DE LA REGLEMENTATION DES EPANDAGES
d’effluents urbains et industriels et de déchets
REGLEMENT SANITAIRE DEPARTEMENTAL(circulaire du 9 août 1978, art. 159-1 du RSD type) pour les activités non soumises aux législations relatives à l’eau et aux ICPE
Instauration de la NORME EXPERIMENTALE NF U 44 041(en août 1975) au niveau national transformé en NORME AFNOR(en juillet 1985) rendue d’application obligatoire par arrêté ministériel le 29 août 1988
DIRECTIVE EUROPEENNE du 12 juin 1986(modifiée le2 décembre 1988), relative à la protection de l’environnement et notamment des sols, lors de l’utilisation des boues d’épuration en agriculture
LOI SUR L’EAU du 12 janvier 1992, DECRETS d’application des 29 mars 1993 et 8 décembre 1997 et AM du 8 janvier 1998(abroge l’AM du 29 août 1988) pour la réglementation des épandages d’effluents d’épuration urbaine
AM DU 2 février 1998 pour la réglementation des épandages des effluents issus d’installations classées en dehors des établissements d’élevages
Exemples concrets de plans d’épandage dans l’Artois
Patrick LEMAY Directeur Environnement de Roquette Frères
3.1. Le LYSSOL ? de ROQUETTE
3.1.1. Présentation de l’entreprise
ROQUETTE intervient au sein du S3PI dans un souci de transparence. L’objectif est donc d’exposer ce qui est fait par le Groupe. Les 13 usines de ROQUETTE sont implantées en Europe, aux USA et en Asie. L’usine principale est située à Lestrem, près de Béthune. L’entreprise emploie 5 500 personnes, dont 300 chercheurs. Les matières premières utilisées sont agricoles (maïs, blé et pomme de terre). L’usine de Lestrem transforme le blé et le maïs en amidon, en sucres liquides et secs (issus de l’amidon) et en polyols (sucres hydrogénés). Les capacités de l’usine seront cette année de 3 500 tonnes de blé et 3 500 tonnes de maïs par jour. La production est arrêtée trois jours par an pour compléter la maintenance régulière. ROQUETTE est leader mondial dans la production de polyols.
3.1.2. Elaboration et épandage du LYSSOL ?
3.1.2.1. Composition
Le produit épandu par ROQUETTE à Lestrem est le LYSSOL’. Les matières premières étant agricoles, il est logique de se tourner vers l’agriculture pour valoriser les sous-produits qui constituent le LYSSOL’.
La station d’épuration de ROQUETTE fait l’équivalent de 500 000 habitants. L’usine d’eau potable en amont de l’usine équivaut à 250 000 habitants. La production de LYSSOL ? est de 200 à 230 tonnes par jour. Le LYSSOL ? contient 45% de MS : le produit est facilement pelletable et stockable en tas. Le chaulage (pour stabiliser le produit) induit un pH élevé de 12,5 : le LYSSOL ? est donc utilisé comme amendement calcique sur les terres acides de la région. Contenant du " sable " utilisé dans les procédés pour la filtration des produits, il permet d’alléger les terres. Ce produit apporte également de la matière organique, ce qui intéresse aussi les agriculteurs. Un peu moins de 25 tonnes de LYSSOL ? sont épandues sur un hectare.
L’installation de ROQUETTE est une ICPE, soumise à autorisation. L’épandage du LYSSOL ? répond aux dispositions d’un arrêté inter-préfectoral (Nord et le Pas-de-Calais). L’autorisation a été accordée en 1998.
3.1.2.2. Contrôles et garanties
La production de LYSSOL ? est régulière et relativement stable. L’entreprise n’a pas fait homologuer son produit pour conserver une certaine souplesse de production. Les grandes lignes sont cependant garanties contre tout problème potentiel. Un échantillonnage journalier est effectué et des analyses moyennes complètes sont réalisées régulièrement (deux par mois). Les déclarations réglementaires sont faites avec le bilan annuel et dans le plan prévisionnel.
ROQUETTE n’est pas seul à participer à l’épandage. L’entreprise reste responsable du LYSSOL ? jusqu’au bout de son élimination, car en termes réglementaires le LYSSOL ? est un déchet. ROQUETTE assure donc la production et l’organisation de la logistique, effectue les démarches auprès des agriculteurs et se charge de faire les déclarations officielles. L’agriculteur assume l’épandage sur son champ. Roquette a fait appel à SEDE Environnement, mandatée pour le suivi, les analyses et la réalisation du bilan et du plan prévisionnel annuels. La DRIRE assure le contrôle et peut pratiquer des analyses sur des échantillons. Le SATEGE apporte aussi son expertise et prélève des échantillons dans l’usine. Une équipe est affectée à l’épandage. L’analyse du lot envoyé à un agriculteur est mise à disposition de ce dernier. L’entreprise garantit des teneurs en métaux faibles, en conformité avec la réglementation. Chaque année, une présentation du bilan annuel est faite auprès des agriculteurs partenaires, en présence des administrations et du SATEGE. Pour assurer la transparence, le suivi est effectué par un prestataire indépendant : il y a ainsi une transparence totale avec le SATEGE et la DRIRE. ROQUETTE participe à l’élaboration de la charte " Artois ? Picardie pour l’épandage ", en cours de finalisation. Le périmètre d’épandage s’étend sur le Nord et sur le Pas-de-Calais. 150 analyses complètes de sols sont effectuées chaque année ainsi que 75 reliquats azotés. De plus 38 parcelles de référence sont suivies depuis 1998. En 2002, les doses, en tonne / hectare ont été de 24,8 tonnes pour le Pas-de-Calais et de 24,3 tonnes pour le Nord, chez 266 agriculteurs. Chaque année, la société épand sur environ 3100 hectares. Le temps de retour moyen sur les surfaces épandues est de 10 ans. Et il n’y a pas de plaintes.
3.1.2.3. L’épandage dans les autres régions
L’épandage est utilisé dans la plupart des usines de ROQUETTE. En France, toutes les usines sont concernées : à Beinheim, en Alsace, région au contexte environnemental plus difficile, l’épandage s’effectue sans problèmes. L’usine de Vecquemont (Picardie) produit et épand durant la campagne un effluent liquide, issu d’une féculerie de pommes de terre. A Vic s/Aisne (autre usine féculière en Picardie), il y a aussi épandage de la biomasse séchée de la station de l’usine. L’entreprise réalise également de l’épandage en Europe (Espagne, Italie, Angleterre) et aux USA. Un projet est en cours pour la Chine. Pour Roquette, l’épandage agricole est une solution élégante et écologique de valorisation de sous-produits de la production (dont la matière première est agricole) en partenariat avec les agriculteurs et en transparence avec l’administration.
L’entreprise, avec les pouvoirs publics français, soutient l’épandage comme la méthode la plus écologique pour le traitement des déchets. ROQUETTE s’implique pour que l’épandage soit reconnu comme " Meilleure Technique Disponible ".
3.1.2.4. Echanges avec la salle
Robert TROUVILLIEZ, Nord Nature : quelle est la position des industries
agroalimentaires pour l’épandage sur des terres agricoles ’
Patrick LEMAY : Il a pu y avoir quelques dérapages qui ont conduit certains industriels de l’agroalimentaire à rejeter l’épandage, moins encadré qu’aujourd’hui. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et l’ANIA22 accepte la démarche dès lors que l’épandage se fait dans le respect des règles administratives. L’épandage sur des champs de légumes, qui ont tendance à assimiler les métaux lourds a posé des problèmes. Les normes ont été resserrées. Aucun industriel n’est actuellement contre l’épandage.
Yves EMERY, Française de Mécanique : quel est le pays où la réglementation sur l’épandage est la plus étoffée ?
Patrick LEMAY : les réglementations sont très voisines dans tous les pays. Les objectifs sont identiques mais le suivi de cette réglementation et le contrôle des bonnes pratiques sont variables. La France est en avance sur ce point.
3.2. Le recyclage des boues de la station d’Isbergues
Olivier SENCE, directeur des services techniques de la communauté de communes d’Artois Flandres.
3.2.1. Présentation la communauté de communes
La communauté de communes Artois Flandres regroupe environ 17 500 habitants, dont 12000 sont raccordés à la station d’Isbergues. L’étude préalable à l’épandage des boues de la station d’épuration d’Isbergues et l’élaboration du dossier de demande de déclaration réalisé en 1999, ont donné lieu à un récépissé de déclaration en Janvier 2001. La communauté de communes a donc maintenant deux années de recul sur le suivi des boues.
3.2.2. Fonctionnement de la station
La station a une capacité nominale de 13 000 équivalents habitant et reprend essentiellement les communes d’Isbergues, de Lambres-les-Aires, de Guarbecque et de Ham en Artois. Cette station est en service depuis 1960, après avoir été totalement retransformée et modernisée en 1998. Elle réalise un pré-traitement (dégrillage, dessablage et dégraissage), suivi d’un traitement biologique, avec un bassin d’aération et un clarificateur. La forme oblongue du bassin permet d’avoir une forte minéralisation au niveau des boues. La station possède aussi un traitement des boues (déshydratation par centrifugation, chaulage et aire de stockage). La plate-forme de stockage des boues a été réalisée postérieurement à la date de modernisation de la station (en novembre 2000). Sa capacité de 600 m2 représente une autonomie de six mois de stockage.
3.2.3. Contrôles et suivis
L’évolution de la filière comprend la gestion des lots (suivi et identification de chaque lot produit). Le suivi agronomique est réalisé sur la base d’un programme prévisionnel d’épandage, d’un registre d’épandage et d’un bilan agronomique.
L’évolution de chaque parcelle est suivie par un SIG23. En deux ans, les conclussions ne peuvent pas encore être tirée. En 2002, le tonnage de boues produites est de 850 tonnes brutes. La siccité moyenne est satisfaisante (36,4%). 4 agriculteurs travaillent avec la communauté de communes et 819 tonnes ont été épandues, sur une surface d’environ 40 hectares (moyenne de 20 tonnes / hectare). 7 analyses de sols valeurs agronomiques, 5 analyses de sols éléments traces métalliques et 5 reliquats d’azote, sortie hiver 2002/2003 ont été réalisées.
A l’exception du phosphore, les apports sont bien en deçà des besoins. L’épandage des 800 tonnes / an se fait généralement à la fin de l’été / automne, sur chaumes de céréales, sachant qu’il est possible de traiter les boues de la station pendant 6 à 8 mois. Les points forts de la filière sont essentiellement l’aire de stockage des boues, avec une livraison en période climatique favorable, la traçabilité des lots, le contrôle de conformité des boues et des sols, les conseils de fertilisation dispensés aux agriculteurs (dont l’analyse de sols et reliquats azotés) et enfin l’intérêt agronomique des boues.
3.2.4. Echanges avec la salle
Robert TROUVILLIEZ, Nord nature : les 3/4 du département sont en zone vulnérable.
Quelle est la quantité maximale d’azote qui peut être épandue par unité de surface ?
Arnaud BRIZAY : la quantité d’azote organique autorisée, elle est limitée à 170 kg d’azote par hectare et par an (cette limite ne s’applique qu’aux zones vulnérables). Un programme d’action gère les zones vulnérables. Suite à un contentieux avec l’Union européenne, la France a été condamnée à réviser les limites de ses zones vulnérables. Aujourd’hui, l’ensemble du département du Pas-de-Calais a été classé en zone vulnérable. Mais aucun programme d’action ne s’appliquera à ces nouvelles zones avant la réalisation d’un diagnostic. Le dernier programme d’action, lui, s’applique toujours dans les anciennes zones.
Robert TROUVILLIEZ, Nord Nature : combien de fonctionnaires sont habilités à contrôler les épandages ’
Arnaud BRIZAY : une cinquantaine d’inspecteurs contrôlent les installations classées du Nord Pas-de-Calais, 6 gardes pêche de la police de l’eau et 5 ou 6 agents assermentés contrôlent l’épandage. Il y a également 3 ou 4 inspecteurs des installations classées pour l’épandage agricole. Le programme d’action a été arrêté cette année. La filière d’épandage sera désormais étudiée en même temps que la réalisation des contrôles sur les stations d’épuration. Sur les 130 stations, une vingtaine seront contrôlées. En général, les contrôles sont aussi réalisés sur le terrain. Aujourd’hui, il est demandé de passer moins de temps sur le dossier et plus de temps sur le contrôle.
Les missions du STATEGE
Marie LEROY Responsable du SATEGE du Pas-de-Calais
4.1. Historique des filières d’épandage
La faisabilité du recyclage des boues urbaines en agriculture a été étudiée dans le bassin Artois-Picardie dès la fin des années 70. Dans ce cadre, un partenariat a été mis en place entre la Chambre d’Agriculture et l’Agence de l’Eau sur la problématique des effluents urbains, avec la mise en place des SUBRA24 dans les départements du Nord, du Pas-de- Calais et de la Somme. Suite à la mise en place de ces services et à l’évolution du recyclage en agriculture, les années 90 ont vu l’émergence de nouveaux enjeux : en 1998, la réglementation s’est précisée en donnant aux boues le statut de déchets, ce qui a permis de cadrer très précisément la démarche de recyclage. Cette précision a l’inconvénient de conférer aux boues une connotation négative. Parallèlement, avec l’évolution du dispositif mis en place sur le bassin et avec le développement de l’assainissement, l’offre des intrants organiques a augmenté, et la demande des agriculteurs utilisateurs aussi. Les filières de recyclage se sont donc professionnalisées. Le recyclage parfois remis en cause par le statut de déchets conféré aux boues, a été accepté socialement. Le recyclage a été remis en cause notamment à deux niveaux :
– environnemental : les riverains sont les premiers à subir des nuisances locales et les agriculteurs sont les premiers à être ciblés en tant que coupables.
– alimentaire : la position des industries agroalimentaires et de la grande distribution a émis des doutes sur la sécurité alimentaire.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, une démarche s’est mise en place pour le bassin Artois-Picardie, au milieu des années 90, en mettant en place la Conférence permanente des épandages, structure similaire à celle qui existe au niveau national (le Comité national des boues). Dans cette instance, on retrouve l’ensemble des acteurs des filières d’épandage, que ce soit les producteurs d’effluents (collectivités, élus), les agriculteurs producteurs, les industriels (IAA), les agriculteurs utilisateurs et la société (élus, riverains, associations de protection de l’environnement et associations de consommateurs).
Ce dispositif étant en place, il s’est doté progressivement d’un outil : la charte pour le recyclage en agriculture des effluents urbains, industriels et agricoles. Cette charte s’est fixé un certain nombre d’objectifs :
– répondre aux exigences de la société en matière d’environnement et de sécurité alimentaire
– reconnaître le rôle de l’agriculteur, partenaire à part entière des filières d’épandage
– démontrer la volonté collective d’assurer la pérennité du recyclage en agriculture.
La charte se fonde sur différents principes : responsabilité et partenariats entre les différents acteurs de la filière, efficacité agronomique et innocuité des effluents, traçabilité de la filière, transparence entre les différents contracteur.
4.2. Organisation du bassin Artois-Picardie
4.2.1. Organigramme
Structure interdépartementale à l’échelle du bassin Artois Picardie, la Conférence permanente des épandages est l’instance politique chargée de définir les orientations en matière de recyclage agricole. Au niveau départemental, les SATEGE sont les instances techniques encadrées par un comité de pilotage (composé des administrations, des agences de l’eau, de la profession agricole, des IAA, de l’Ademe’). Ces SATEGE sont en place sur chaque département du bassin. Ce sont des services techniques des chambres d’Agriculture, ils ont été créés et fonctionnent grâce à un partenariat Chambres d’Agriculture- Agence de l’eau Artois Picardie. Ils ont été instaurés par arrêté préfectoral. Les missions du SATEGE peuvent se classer selon deux axes : les missions de centralisation et de fourniture d’information.
4.2.2. Etat des connaissances
– Filières d’épandage urbaines : le SATEGE a aujourd’hui connaissance de 67 stations, dont 50 d’entre elles (93% de la capacité épuratoire du département) ont réalisé leur étude préalable à l’épandage. En ce qui concerne les suivis agronomique annuels, le SATEGE a connaissance de ceux réalisés sur 23 000 tonnes de MS de boues, soit 80% des boues épandues sur le département,
– Filières d’épandage industrielles : le SATEGE a connaissance de 26 études de plans d’épandage. 23 filières industrielles transmettent leur suivi au SATEGE. Ce sont globalement plus de 2 000 agriculteurs utilisateurs de sous-produits organiques urbains ou industriels. L’évolution réglementaire et la création de nouvelles filières conduisent le SATEGE à mettre en place des essais pour résoudre les problèmes émergeant. Actuellement, un travail est effectué avec les papetiers pour une meilleure prise en compte des spécificités agronomiques de ce type de sous-produit vis à vis de la réglementation. En matière d’acquisition de références, des campagnes d’analyse supplémentaires sont réalisées (sur les effluents urbains, industriels et agricoles). Ces analyses portent sur la valeur agronomique des produits, sur leur innocuité (teneurs en ETM, composés traces organiques...).
Fort de sa connaissance des filières départementales existantes, de ses compétences en agronomie et de sa connaissance de la réglementation, le SATEGE émet des avis sur les filières en place A ce jour, le SATEGE a été sollicité pour 32 filiales urbaines, une vingtaine d’industriels et 75 filières agricoles. Un travail de développement et de médiation est également effectué au cours de la mise en oeuvre des filières pour sensibilise, faire connaître les efforts. L’objectif du SATEGE est de faire reconnaître le rôle de l’agriculteur et de faire connaître à tous les prescriptions techniques qui s’appliquent aux filières d’épandage, pour une meilleure acceptation de ces filières et une adaptation des contraintes dont elles font l’objet.
4.3. Echanges avec la salle
Serge MILVILLE, Président de l’association Citoyenneté 2000 : une unité de traitement biologique vient d’être ajoutée à une station d’épuration. Toutes les stations n’ont pas la même capacité de production des boues. Peut-on espérer disposer à court terme d’un listing des stations d’épuration et des dangers présentés par les boues, sur le modèle de la liste des dangers représentés par les sites industriels ?
Marie LEROY : ces éléments sont pris en compte dans le cadre des études de faisabilité et des plans d’épandage ; ils intègrent la nature des réseaux d’assainissement en amont, des éventuels raccordements industriels et la nature de ces activités industrielles, de manière à sécuriser la qualité des effluents entrant sur les stations d’épuration, et de réglementer les co-produits.
Robert TROUVILLIEZ : le SATEGE a pour vocation d’étudier les plans d’épandage et donc de protéger l’eau. Les zones vulnérables sont particulièrement à prendre en compte.
Marie LEROY : le SATEGE est effectivement sollicité dans la mise en place de périmètres de protection des captages pour avoir connaissance des plans d’épandage existants et prendre les précautions nécessaires dans les zones concernées
Philippe HAUET : le SATEGE peut-il donner des informations directement aux particuliers ? Peut-il servir de médiation lorsqu’une anomalie est constatée ’
Marie LEROY : le SATEGE est bien un service de conseil. Dans ce cadre, il peut avoir un rôle de médiation, mais en aucun cas un rôle de police. v
José LAGACHE, président de l’association Verquin Environnement : le SATEGE a-t-il un site Internet qui recense les anomalies ’
Marie LEROY : les informations concernant les pratiques d’épandage peuvent être trouvées sur le site de l’agence de l’eau Artois Picardie (www.eau-artoispicardie. fr/bassin/epandages), lequel devrait être relayé au niveau départemental sur les sites de chaque chambre d’agriculture. D’autre part, une synthèse du bilan annuel des épandages est tenue à disposition de chacun.
Serge TROUVILLIEZ s’inquiète de ne pas avoir reçu de dossier.
Marie LEROY : la synthèse annuelle des épandages est diffusée systématiquement au comité de pilotage et distribuée aux autres organismes en fonction de leurs demandes. Par contre, le bulletin d’information est envoyé de manière systématique.
Paul-Antoine SEBBE, SEDE environnement : le SATEGE fait un bon travail pour l’amélioration des épandages dans la région. Il faut cependant redoubler d’efforts pour montrer que les choses ne sont pas aussi mauvaises qu’elles ne semblent.