Présentation de l’exercice PPI ICI C&P France SAS, lundi 18 Octobre 2004
Francis VUIBERT Sous-préfet de Béthune
Le plan particulier d’intervention (PPI) est établi pour faire face au risque particulier lié à l’existence ou au fonctionnement d’une installation industrielle. Il concerne l’organisation des secours en cas d’accident survenant dans une installation industrielle . L’industriel doit gérer la sécurité de son site au quotidien par des mesures de protection interne, et des mesures de réduction du risque à la source sous le contrôle de la DRIRE.
Néanmoins, lorsque les conséquences dépassent les limites de l’enceinte, le PPI est déclenché par le préfet. L’exercice du 18 octobre 2004 se situait dans ce contexte et a été organisé par la préfecture du Pas-de-Calais en partenariat avec l’entreprise I.C.I. à Chocques.
Les objectifs fixés visaient :
– à mettre en ’uvre sur le terrain la coordination des moyens entre l’entreprise et les services de secours de l’Etat et les mairies concernées
– à mettre en exergue les enseignements relayés par le réseau d’observateurs
– à observer le comportement des populations en cas d’alerte PPI
– à poursuivre la sensibilisation de la population sur les risques industriels majeurs.
Cette réunion est l’occasion de remercier l’ensemble des services et autorités qui se sont investis dans la préparation et la réalisation de cet exercice : les services interministériels de défense et de protection civile de la préfecture, les services de l’Etat, la société I.C.I, la SNCF, la SANEF, les 16 maires concernés, le S3PI, le SAMU, le rectorat, et l’ensemble des exploitants d’établissements situés sur la zone.
Présentation de la préparation de l’exercice et des objectifs fixés
Francis MANIER Directeur de la Protection civile du Pas-de-Calais
1. Contexte général et législatif
Dans le cadre du dispositif de la loi de 1987 sur la sécurité civile, de nombreux dispositifs autour des sites industriels PPI sont prévus. Cependant, la loi a été modifiée par une loi récente (loi du 13 Août 2004), modernisant la sécurité civile. Cette loi ne modifie pas le dispositif d’organisation des secours autour des sites Seveso, mais reprécise le rôles des acteurs. Le PPI est un document à la charge du préfet, présentant toutes les interventions hors site industriel. Le décret 88-622 prévoit un exercice d’application du PPI tous les 3 ans pour chaque site industriel.
Rappelons que le Pas-de-Calais compte 17 sites. Au regard de la charge d’organisation d’un exercice comme celui du 18 octobre, nous en organiserons deux par an.
Le plan particulier d’intervention de I.C.I. Chocques a été approuvé par l’arrêté préfectoral du 22 janvier 2004. L’un des objectifs de l’exercice était de vérifier que ce plan était adapté à la situation.
2. Préparation de l’exercice
La préparation de l’exercice a nécessité quatre mois de préparation dont :
– deux réunions préparatoires générales (contexte, règles du ? jeu ’, rappel du rôle de chacun)
– deux réunions du groupe de travail ? communication ? (la communication en matière de gestion de crise est très importante et permet de rester en contact avec la population pour les conduites à tenir ou les raisons de l’exercice)
– deux réunions du groupe de travail ? scénario ? permettant de caler les scénarii en fonction de plusieurs paramètres (météo ’) et de les rendre crédibles
– une réunion d’information des établissements recevant du public (établissements partenaires), eux-mêmes intéressés dans la mesure où ils peuvent être aussi des enceintes de confinement, principalement pour les gens présents ce jour-là.
Les acteurs de la préparation, l’industriel, le S3PI, les mairies, les services de l’état, ont tous participé aux différentes réunions.
3. Objectifs de l’exercice
? Un exercice n’est pas fait pour montrer ce qui fonctionne, mais pour montrer ce qui ne fonctionne pas ’.
3.1. Pédagogie et prévention
Notre premier objectif était de rendre l’exercice pédagogique pour la population, l’intérêt du PPI étant d’abord la protection des populations.
La population, quant à elle, doit suivre les conduites à tenir. Ces dernières ont été rappelées au cours des campagnes d’information :
– menées notamment par le S3PI
– lors de la distribution en boîtes aux lettres de plaquettes d’informations, expliquant la conduite à tenir, dès l’information d’un risque industriel (confinement).
3.2. Coordination des secours et des acteurs
Les acteurs ont besoin d’apprendre à se connaître, à travailler ensemble et faire en sorte que l’information se transmette le mieux possible, avant la mise en place de l’exercice. L’intérêt de cet exercice est justement d’aborder cette préparation en-dehors d’une situation de crise.
3.3. Mise en exergue des écueils
Cela permet d’évaluer les problèmes que pourrait rencontrer les services de secours dans la réalité. L’intérêt des exercices est de les mettre en exergue et de trouver des parades.
3.4. Retour d’expérience du confinement, réactivité et information des populations
L’objectif est d’éduquer la population et de valider la conduite à tenir, l’exercice permettant de vérifier la bonne information de la population. Pour cela, un certain nombre de séances d’information ont été menées par le passé par les industriels et par le S3PI. Malheureusement, la mémorisation disparaît au bout de quelques mois (les plaquettes ont été jetées ou sont enfouies dans un tiroir).
De nombreuses réunions ont donc été organisées pour sensibiliser la population. Plusieurs réunions d’information ont été animées par le rectorat, le S3PI, les industriels, à destination :
– des enseignants et des élèves
– des directeurs d’établissements recevant du public, afin de préciser leur rôle (ces acteurs et partenaires de la protection des populations doivent être prévenus du déclenchement car ils représentent une partie des lieux de confinement possibles).
Un communiqué de presse a été publié dans les médias régionaux (articles dans les gazettes communales début octobre). Les maires ont également été des relais d’informations importants, informant la population, répondant à ses questions et distribuant des tracts dans les boîtes aux lettres.
3.5. Tirer des enseignements sur la préparation
Etant donné la longueur de la préparation, un maximum de bénéfices doit être tiré. Nous travaillons depuis 2 ans maintenant sur la préparation d’exercices : nous sommes maintenant très proactifs dans leur organisation et voulons poursuivre dans cette voie pour toujours plus d’efficacité.
– La cohérence et la rigueur du travail préparatoire effectué par les différents acteurs de l’exercice permettent de rendre les exercices plus réels, plus proches de la réalité, et de nous apporter le maximum d’enseignements.
– La bonne organisation de la préparation de la communication est un facteur-clé de succès : la population doit savoir qu’il s’agit d’un exercice et non d’une opération réelle.
– Nous regrettons néanmoins le peu de responsables d’ERP présents lors de la réunion d’information, alors que beaucoup d’actions doivent être menées conjointement.
– Enfin, le scénario connu seulement de quelques personnes, n’ayant pas été diffusé aux acteurs, a permis de contrôler la réalité de l’exercice, l’attitude de chacun et la conduite face à l’intervention.
Choix et opportunités du scénario retenu par l’exploitant
Jean-Louis PUYAUBREAU Directeur du site I.C.I. de Chocques
1. Contexte de l’exercice, présentation du site de Chocques
1.1. Les produits fabriqués à Chocques
Depuis près de 80 ans, le site de Chocques fabrique des produits chimiques, d’abord à base carbochimique, et depuis quelques dizaines d’années à base pétrochimique. 120 à 150 molécules sont fabriquées et environ 60 000 tonnes de produits sont issues de ce site. Ces produits sont utilisés sur un grand nombre de marchés, dans des applications diverses et variées, et sont vendus à des transformateurs qui vont eux-mêmes proposer les produits que nous consommons in fine. Nous sommes ainsi présents dans de nombreux domaines comme l’automobile, les traitements de surface, les médicaments, l’industrie pétrolière ? et nous avons quelques positions dominantes y compris au niveau mondial sur certaines gammes de produits spécifiques.
1.2. Les dangers de cette activité sur le site
Ils sont de trois ordres :
– les produits inflammables
– les produits qui risquent d’exploser
– les produits toxiques.
Les matières premières sont les plus dangereuses, et seul un produit fabriqué est inflammable.
1.3. Les scénarios potentiels
1.3.1. La procédure interne utilisée pour choisir un scénario
Rappelons d’abord la différence entre un danger et un risque.
– Le danger existe intrinsèquement par la qualité du produit qu’on manipule : explosif, inflammable, toxique.
– Le risque associé est la transformation de ce danger en quelque chose de réel qui va prendre en compte la gravité intrinsèque du produit, l’exposition vis-à-vis de ce produit et la capacité à gérer les taux de défaillances des installations qui gèrent les produits. C’est ce ? mix ? qui va faire qu’un danger se transforme ou pas en risque. Le danger est là, la molécule intrinsèquement a les qualités ou les défauts qu’elle possède, nous allons donc pouvoir jouer sur les deux autres facteurs que sont la fréquence d’exposition et le taux de défaillance.
1.3.2. La hiérarchie des risques
Nous travaillons à partir d’une procédure appelée ? étude de danger ? permettant d’identifier tous les dangers et donc tous les risques associés, à travers des méthodes éprouvées. Ceci permet, dans un premier temps, la mise en place de moyens préventifs pour faire disparaître les risques principaux.
Mais dans la mesure où une activité humaine, et en particulier une activité industrielle, comporte toujours des risques, différents scénarios vont être imaginés. Dans certains cas, la prévention sera remplacée par un traitement curatif, c’est-à-dire la mise en place des systèmes POI (Plan d’opérations internes) et PPI. En parallèle, les populations sont informées.
Puis, nous recommençons le raisonnement, et essayons ainsi de nous améliorer et de faire en sorte que les scénarios identifiés amenant une gestion de type POI ou PPI, puissent être diminués, voire supprimés. Ceci nous permet d’identifier les progrès réalisés.
A partir de ces scénarios identifiés, des périmètres de sécurité sont évalués et calculés à partir de quantités de produits dégagées, ou de calories obtenues à partir d’un incendie ou d’une explosion. Des modèles de dispersion et différentes données relatives aux taux d’exposition sont prises en compte de manière à obtenir des courbes d’isoconcentrations, qui seront ensuite comparées à ce que l’homme est capable de supporter (seuils d’effets irréversibles ou effets létaux). Les périmètres permettent alors d’identifier les risques dans une zone précise.
1.3.4. Les trois types de risques
un feu : il est cantonné normalement aux limites du périmètre de l’usine
une explosion : elle va évidemment au-delà des limites de l’usine et a des conséquences importantes. Elle est différente des autres évènements car elle a une cinétique très rapide, ne permettant pas la mise en ’uvre de moyen de prévention. Une fois que l’évènement est arrivé, reste à le ? gérer ’.
la fuite de toxique peut avoir elle aussi des conséquences importantes. Les distances sont parfois plus grandes que lors d’une explosion, puisque le nuage toxique, suivant les conditions météorologiques, peut se déplacer relativement loin. La cinétique d’un tel évènement est sûrement plus lente que la cinétique d’une explosion.
Il est alors possible d’élaborer une courbe de ces scénarios avec :
– en abscisse les probabilités d’occurrence de ces évènements
– en ordonnée la gravité de ces accidents
La courbe démarre avec des accidents très peu probables mais graves, et va jusqu’à des accidents qui sont plus probables mais non jugés comme étant graves. Il est évident qu’un accident grave avec une probabilité relativement importante a d’ores et déjà été éliminé par toutes les mesures prises en amont. Ces accidents seront donc hiérarchisés dans trois domaines différents :
le périmètre de l’usine (POI)
au-delà des périmètres de l’usine, des périmètres de sécurité sont gérés de manière générale par des plans d’urbanisme
le périmètre PPI
2. Le scénario de l’exercice du 18 octobre
Le scénario de la fuite de gaz toxique a été choisi car cet accident fait partie des accidents peu probables mais pouvant avoir des conséquences importantes.
2.1. Explications préalables
Il s’agit d’une fuite de mono méthyl amine, gaz légèrement plus lourd que l’air qui, lorsqu’il est respiré ou quand il touche les globes oculaires ou la peau, peut provoquer des irritations ou des lésions respiratoires, voire s’il est respiré longtemps à des concentrations très élevées, peut provoquer le décès de la personne. Ce type de scénario donne, dans les conditions de l’étude de dangers servant de base à l’élaboration du PPI, un périmètre d’environ 4 Km, c’est-à-dire que nous pouvons envisager d’avoir au pire jusqu’à 4 Km des risques irréversibles sur des personnes. Ce scénario est appelé ? majorant ’, c’est le pire des scénarios possibles.
Les calculs permettant d’arriver au périmètre de 4 Km ont pris comme hypothèses les scénarios issus d’études de danger de la fin des années 90. Ces photographies de l’époque nous avaient déjà interpellés et ont d’ores et déjà permis la mise en place d’actions qui permettent d’envisager une forte réduction des périmètres de sécurité :
– les risques à la source et les quantités en jeu ont été réduits
– les diamètres des tuyaux par lesquels le produit peut s’échapper ont été réduits
Tous ces nouveaux scénarios vont permettre, nous l’espérons, de diviser par 2 les périmètres officiels actuels.
Cependant, nous avons toujours aujourd’hui officiellement, dans les textes et dans les plans que nous avons à gérer, un périmètre de 4 Km à prendre en compte dans le choix du scénario.
2.2. Scénario : la fuite d’un wagon-citerne
La fuite vient donc d’un wagon-citerne.
Nous recevons la mono methyl amine par wagons-citernes de 20 tonnes, et nous branchons ce wagon sur une ligne fixe à travers un système de vidange sur un poste particulier entièrement isolé. La zone est protégée, le wagon est immobilisé, la voie ferrée sur laquelle le wagon se trouve est entièrement dédiée et est elle-même isolée, de sorte qu’aucune agression extérieure ne peut avoir lieu sur le wagon. Ensuite les vannes sont ouvertes pour le transfert entre le wagon et l’atelier. Un bras de connexion permet de s’adapter et un détecteur de gaz permet de détecter éventuellement une fuite. De plus, un détecteur de mouvement du wagon permet de détecter, les éventuels mouvements du wagon, et une vanne permet d’étancher et de fermer le wagon.
C’est à cet endroit que nous avons décidé de faire fuir un joint.
Pour permettre l’occurrence de cet évènement, plusieurs barrières de sécurité successives ne devaient pas fonctionner :
– le joint devait être en mauvais état
– le chargeur (société livrant la Mono Methyl Amine) ne devait pas avoir vérifié que le wagon était en bon état, avec des équipements en bon état.
– la procédure de connexion n’a pas été suivie (si cette procédure est bien réalisée, on s’aperçoit que le joint fuit, avec un test à blanc à l’azote, et la procédure est stoppée)
– la vanne de fond du wagon ne se referme pas (ni manuellement, ni automatiquement). Cette vanne doit se refermer automatiquement à la ? moindre alerte ’. Pour l’exercice, le wagon devant se vider, ces vannes-là, par convention, ne se ferment pas, ni manuellement, ni automatiquement, car elles sont bloquées.
Notons qu’il suffit qu’une seule de ces lignes de ? défense ? successives fonctionne pour que l’évènement n’ait pas lieu. Voilà pourquoi nous considérons cet évènement comme très peu probable.
Retour d’expérience et enseignements.
Jean-Louis PUYAUBREAU Directeur du site I.C.I. de Chocques
1. Le passage du POI au PPI.
Chacun des deux plans est élaboré à partir des études de danger.
1.1. Rappels
– Le POI est un plan élaboré pour traiter un problème à l’intérieur du périmètre du site. Il est déclenché et géré par le responsable de l’entreprise, avec l’aide des secours extérieurs auxquels il peut faire appel. L’administration au sens large n’intervient pas à ce niveau, même si elle est mise en pré-alerte.
– Le PPI est un plan déclenché par le préfet sur proposition du chef d’entreprise qui estime qu’il ne peut plus maîtriser la situation en interne, et qu’il a besoin, au-delà des secours dont il peut disposer dans son entreprise ou à l’extérieur, de la mise en place de mesures particulières (prévention des populations). Le PPI, avec sa sirène particulière, va permettre aux services de secours de se mobiliser et à la population de se protéger.
1.2. L’exercice du 18 octobre
1.2.1. Déclenchement du POI
Au début de l’exercice, le détecteur de gaz signale une fuite sur le poste de dépotage de MMA. L’opérateur en salle de contrôle lance ainsi la première alarme, la ? sirène POI ’, qui mobilise les ressources en interne (équipes de première et deuxième intervention) pour tenter de résoudre le problème ou du moins, dans un premier temps, d’en constater la nature et l’étendue. Parallèlement, les pompiers sont prévenus : ils participeront à la résolution du problème dès leur arrivée, en liaison avec les équipes internes.
Nous déclenchons la cellule POI et nous nous organisons autour du plan. Cinq minutes après, des informations parviennent du chef de poste, de retour du poste de dépotage : il a pris en charge les premières victimes et nous informe de la nature de la fuite, de son étendue, de ses observations de terrain. Le PCA analyse toutes ces informations et évalue l’évolution du nuage toxique qui s’échappe de la fuite. Il prévient dans le même temps, en pré-alerte, l’ensemble des services de l’Etat concernés ou susceptibles de l’être, les entreprises voisines et les élus, selon les procédures prévues dans le plan (première liste téléphonique, système mis en place à la suite des conclusions des études menées par le S3PI).
1.2.2. Passage du POI au PPI
Quinze minutes après l’évènement (t=0), face à l’évolution de la situation et à l’extension du nuage toxique au-delà du site, nous demandons des ressources supplémentaires, estimant que la situation nous échappe : nous demandons à la préfecture le déclenchement du PPI .
A l’intérieur du site, les victimes sont prises en charge et une action menée pour colmater la fuite. Mais les équipes de première et deuxième intervention, respectant la règle du jeu fixée pour l’exercice, ne parviennent pas à juguler la fuite.
Les premiers pompiers arrivent et se joignent à la cellule POI pour organiser l’aide sur site aux trois victimes du poste de dépotage pour le moment. En réalité, il y en aura bien plus mais les informations remontent petit à petit des différents endroits.
Le passage du POI vers le PPI, par autorisation de la préfecture, s’effectue donc à t=30 minutes : le bouton de la deuxième sirène est enclenché, celle qui donne le signal modulé de confinement pour la population. Le PCA passe alors la main au PCO présidé et géré, dès qu’il aura été installé, par le sous-préfet .
La deuxième liste téléphonique est activée et l’ensemble des acteurs potentiels identifiés dans cette liste (maires, directeurs d’école, directeurs d’établissements recevant du public’) contactés et informées directement.
1.2.3. Conclusions et améliorations
Voici quelques retours d’expérience détectés grâce à l’exercice pour confirmer ce qui a fonctionné et mettre l’accent sur les points à améliorer :
– raccourcir encore les délais d’intervention, en utilisant mieux le système de pré-alerte, inviter plus tôt les gens à se préparer en les informant du POI (un certain nombre des intervenants de la deuxième ou troisième liste téléphonique pourraient être inscrits sur la première)
– dans le cas d’un gaz toxique avec un nuage de fumée, déterminer la taille de la fuite est difficile, or les calculs établis à partir de cette taille donnent des informations plus ou moins pessimistes. Faute de connaître la situation, il est évident qu’il faut retenir le cas le plus pessimiste.
– améliorer la répartition des ressources entre PCO et PCA et les moyens de communication entre les deux PC, c’est-à-dire le passage du POI au PPI. Si les exercices avec les pompiers dans le cadre d’un POI sont fréquents, nous étions confrontés pour la première fois à cet exercice-là.
– reprendre le rôle des médias qui ont joué un rôle pédagogique avant et après, car ils ont aidé à la diffusion des bonnes mesures et ont relaté de manière positive l’exercice tel qu’il s’était déroulé.
Monsieur VUIBERT
N’oublions pas que la préparation d’un tel exercice oblige forcément à fausser quelques paramètres par rapport à la réalité : par convention d’exercice, nous avons notamment limité le périmètre de 4 Km de rayon à 2 Km. Par ailleurs, nous n’avons pas coupé les axes majeurs que sont l’A26 et la nationale 43 et n’avons pas recouru aux ressources hospitalières réelles. Enfin, les services de secours ont été affectés à l’observation au lieu d’être aux commandes.
A l’évidence, une des leçons à retenir est qu’un meilleur dialogue de l’entreprise avec les services publics permettrait de se préparer à intervenir dans le cas où le PPI devait se déclencher. Dès qu’il se passe quelque chose d’anormal dans une entreprise à risques, les services publics compétents devraient en être informés, quitte à déclarer 20 minutes plus tard une ? fausse alerte ’. Ces vingt minutes sont primordiales. Il faut donc concevoir des procédures qui n’empêchent pas l’exploitant de se consacrer au traitement de l’incident et qui permettent aux services de secours et de police d’être mis en pré-alerte dès le début de l’incident.
Quant à la bonne répartition des ressources entre PCO et PCA, les cadres qui se trouvaient au PCO auraient du diriger les colonnes sur le terrain. La responsabilité du directeur des opérations de secours est de coordonner l’activité de l’ensemble des services de secours, et moins de vous tenir informé de ce qui se passe sur le terrain. Ainsi, et c’est une bonne initiative, vous avez suggéré d’envoyer un représentant pour faire le lien entre les PC et faire parvenir des informations utiles pour la bonne progression des secours.
2. Le déploiement des services de secours publics dans le cadre du POI et du PPI.
Commandant DEGRANDE, chef du groupement des moyens opérationnels du SDIS du Pas de Calais
Le bilan des hommes et des engins engagés par le SDIS 62 s’élève à un total de 142 hommes, 15 ambulances, 9 fourgons incendie, des véhicules et un bus de commandement, ce qui est assez conséquent pour un exercice. L’unité risque technologique (URT) a aussi été sollicitée pour le traitement de la fuite et la décontamination sommaire des victimes. La chaîne de décontamination n’a pas été mise en ’uvre et seules des douches d’approche de l’URT pour décontaminer intervenants et victimes ont été utilisées. Les trois ensembles mobiles d’alerte n’ont finalement pas été engagés.
Le dispositif sapeurs-pompiers est entièrement issu de la couverture opérationnelle standard (pas de renfort particulier pour ce jour-là), le déclenchement de l’exercice était inopiné, même si la presse en faisait cas quelques jours avant. C’est donc un bilan positif pour le SDIS 62 que de pouvoir engager pour un incident de cette nature 150 hommes sans trop de problèmes !
On peut distinguer trois phases différentes :
– une première phase assez courte (25 minutes avant la demande de sirène PPI)
– une phase POI très courte (vous avez ainsi peut-être le sentiment d’inachevé sur la montée en puissance du PC exploitant)
– une troisième phase, pas chronologique, la phase ? plan rouge ’, a activé après le diagnostic sommaire l’ensemble des phases de ramassage, de tri et d’évacuation vers les structures spécialisées
2.1. La phase POI
La phase POI correspond à la mise en ’uvre du PCA, que nous appelons PC exploitant pour garder le caractère privé de l’opération : nous nous rendons en effet chez vous sur votre invitation pour renforcer votre PC exploitant. Dans le cadre d’un scénario chimique, le scénario NRBC (Nucléaire, Radiologique, Bactériologique et Chimique) est de mise avec un minimum de personnel engagé, puisque ce personnel doit être entièrement protégé.
Là apparaît un débat qui n’est toujours pas tranché : pour un POI classique avec une fuite circonscrite ne se pose pas la question de l’engagement de personnel dans un environnement hostile. Mais quand un périmètre de sécurité est activé et que les gens y évoluent en tenue de décontamination (masque à cartouche pour respirer dans une ambiance hostile), le point de doctrine à discuter est le suivant : continue-t-on à envoyer des cadres pour armer un PC exploitant, alors même qu’on ne pourra pas continuer à travailler sous combinaison et masque à cartouche ?
Que fait-on du PC exploitant dans le cadre d’une activation PPI et donc d’un périmètre de sécurité dans lequel plus personne ne doit évoluer sans la tenue adéquate ? La réflexion suit son cours.
L’exercice a duré trois heures mais en réalité, cela peut se prolonger, la météo peut être capricieuse, le vent changer de sens.
2.2. La phase PPI
La phase du PPI a pris le relais assez rapidement. L’exploitant a eu le bon réflexe : l’incident quitte l’enceinte de l’entreprise, c’est donc le sous-préfet qui prend la main et active le PC fixe en préfecture d’Arras, le PCO et les autres PC. Lors du débriefing inter-services, la discussion a surtout porté sur le rôle de chacun dans les différents PC. ? Trop de PC ne tue-t-il pas le PC ? ’. Cette situation gagnerait à pouvoir se référer à quelques bases juridiques et réglementaires.
Le plan rouge rassemble l’ensemble des acteurs précités et réalise la traditionnelle montée en puissance pour les évacuations. Les premiers intervenants ne portent pas de tenue chimique. Ce premier échelon évacue un maximum de victimes en un minimum de temps sans forcément prendre les formes. Quand l’ambiance toxique ou corrosive sera confirmée, des tenues plus lourdes entrent en jeu pour des sapeurs-pompiers formés à intervenir dans ces ambiances hostiles.
2.3. L’annexe des circulaires 700
L’annexe des circulaires 700 relative aux matières chimiques (remaniée en avril 2002) évoque un sas de décontamination à l’interface avec le dispositif plan rouge et un deuxième sas de décontamination à l’entrée des structures hospitalières.
Toujours issu de cette circulaire, un alinéa rappelle l’organisation du commandement des différentes phases d’opérations de secours : la direction des opérations de secours relève soit du maire quand le sinistre touche une seule commune, soit du préfet quand deux communes au moins sont concernées, ce qui est pratiquement toujours le cas lors du déclenchement d’un PPI.
Le Commandement des opérations de secours (COS) relève aussi de l’autorité du préfet ou du maire et du directeur départemental des services d’incendie et de secours.
Le PC de police et de gendarmerie reste en liaison avec le PC du COS, avec des missions de sûreté différentes des missions de sécurité : il est important que ces deux PC restent bien coordonnés. La Loi de modernisation de la sécurité civile stipule que les missions de sécurité civile sont assurées principalement par les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services des SDIS ainsi que par les personnels des services de l’Etat et les militaires des unités permanentes.
Le concours inéluctable des forces de la gendarmerie nationale et de la police nationale est évidemment cité.
La notion législative des plans communaux de sauvegarde (PCS) a été introduite par cette même loi. Le PCS regroupe l’ensemble des documents de compétence communale contribuant à l’information préventive et à la prévention de la population. La loi communale stipule que le PCS est obligatoire dans les communes dotées d’un plan de prévention des risques naturels, ou comprises dans le champ d’application d’un PPI, ce qui est le cas des 16 communes soumises au rayon de 4 Km.
Pour terminer, dans les établissements publics de coopération à fiscalité propre, un plan intercommunal de sauvegarde peut être établi en lieu et place du PCS. La mise en place de ce plan relève de chaque maire sur le territoire de sa commune. Un dernier article stipule que les dépenses directement imputables aux opérations de secours sont prises en charge par le SDIS. Dans le cadre de ses compétences, la commune pourvoit aux dépenses relatives aux besoins immédiats des populations.
3. Commentaires
Monsieur VUIBERT
En réunion avec les élus, nous avons attiré leur attention sur la nécessité d’élaborer les PCS. Un accord est né de cette réunion puisque Mme le Maire de Gonnehem s’est proposée pour, avec ses collègues des communes environnantes, servir d’interlocuteur au service de protection civile et travailler à l’élaboration des PCS.
Monsieur MANIER
Tous les maires ont reçu une circulaire leur indiquant le contenu d’un PCS et l’obligation d’en rédiger un. Le décret d’application doit bientôt paraître. Notre expérience avec certaines communes nous donne un peu d’avance.
Monsieur VUIBERT
Les relations entre les différents PC sont un point crucial, d’autant plus que le PPI prévoit que le PCO soit situé en sous-préfecture. J’ai pris pourtant le parti de mettre en place le PCO sur le terrain à proximité des PC de police et de gendarmerie, ce qui a provoqué des difficultés logistiques mais a permis sur le plan opérationnel une plus étroite communication entre le directeur des opérations de secours et les différents chefs de services concernés. Si l’on avait placé le poste en sous-préfecture, les liaisons auraient ralenti la circulation de l’information. Il faut donc trouver des solutions alternatives.
De la salle
Nous sommes à Chocques dans la zone de la police nationale, ce qui diminue notre intervention, comme la diminue la convention de man’uvre : un périmètre de sécurité de 2 Km et une autoroute qui n’est pas véritablement fermée. Pour fermer ces 2 Km, 29 personnes ont été nécessaires et 20 minutes à compter du déclenchement du PPI, sans que soient récupérées les personnes dans cette zone.
Un périmètre de 4 Km de bouclage exigerait un doublement des effectifs, une opération de maintien de l’ordre (car la réaction des personnes à l’intérieur d’une zone présentant un danger nécessite parfois une intervention particulière) ainsi qu’une enquête judiciaire. A Chocques, la gendarmerie n’est juridiquement pas compétente pour ce dernier point.
L’information des populations représente la plus grande difficulté : comment réagirait la population dans la réalité ? Les parents voudraient par exemple récupérer leurs enfants à la sortie des écoles.
Le PC devrait être installé pour durer, mais au regard de la courte durée de l’exercice, nous n’avons pas engagé de véritables moyens de postes de commandement
Enfin, nous n’avons pas facilité l’accès des secours en maintenant un itinéraire réservé.
Monsieur VUIBERT
Nous avons pris la décision de ne pas couper les deux axes majeurs que sont l’autoroute et la RN43. Une telle coupure engendre deux types de problèmes, indépendamment des effectifs nécessaires au bouclage :
– comment permettre aux véhicules à l’intérieur de ce périmètre de quitter le plus rapidement le périmètre ’
– que faire des gens bloqués aux limites du périmètre, ou en amont et en aval en fonction des différentes sorties naturelles ’
Le nombre de militaires ou de fonctionnaires exigé pour établir les points de barrage est tel que l’urgence absolue reste l’évacuation des véhicules à l’intérieur du périmètre, le sort des véhicules à l’extérieur du périmètre n’étant pas une priorité. Par conséquent, dans un premier temps, à l’endroit des barrages établis par les forces de l’ordre, les véhicules seraient purement et simplement bloqués. Dans un deuxième temps, en ayant une vue globale de l’évolution de la situation et des renforts de militaires et de fonctionnaires, ces véhicules pourraient être déroutés par des itinéraires de délestage.
Lors de la réunion de retour d’expérience, nous avons également imaginé la possibilité d’affiner la définition de ce périmètre de sécurité. Pour l’heure, nous avons défini un périmètre de 4 Km quelles que soient les conditions météorologiques, la dangerosité du produit et la quantité incriminée. Nous allons réfléchir à la possibilité de sectoriser ce périmètre avec des secteurs angulaires. Si le jour de l’accident le vent est de direction nord-est/sud-ouest, le périmètre sera établi davantage au sud qu’au nord, d’autant que les véhicules à l’intérieur du périmètre doivent être évacués rapidement.
De la salle (Monsieur Vanooteghem, médecin chef du SAMU 62)
Au regard de la santé, le produit chimique pose des problèmes d’échelle. Une douzaine d’équipes médicales, dont deux venant de la zone de défense de l’hôpital référent, ont été engagées. (Les thématiques liées à la santé inscrites dans le NRBC se déclinent en zones de défense, même si l’autorité médicale reste au département).
Si elles avaient été confrontées à 30 intoxiqués graves requérant une réanimation immédiate, ces équipes auraient été insuffisantes. Il n’existe pas d’antidotes pour les produits chimiques, il s’agit d’une thérapeutique instrumentale lourde (des respirateurs).
L’évacuation elle-même pose un problème de logistique. Le plan blanc de l’hôpital de Béthune n’a pas été déclenché, mais face à un seul type de pathologie, des places supplémentaires devraient être recherchées dans le département, dans la région, voire même au-delà de la région. A titre d’illustration, seules 3 places de réanimation restaient libres dans le Pas de Calais le jour de l’exercice.
La première attaque par un produit chimique (le chlore) pendant la 1ère guerre mondiale a provoqué 5 000 morts. Pour un autre site, il aurait fallu ventiler immédiatement 3 000 personnes, or personne ne dispose de 3 000 docteurs, respirateurs et places de réanimation. Voilà les questions posées et les exigences logistiques (apport d’oxygène, renforts, transferts’). L’accident de METALEUROP a mobilisé cinq centres en France et en Belgique. Imaginez la situation si l’accident engendre 30 brûlés.
Monsieur VUIBERT
Le bilan médical de l’exercice est le suivant : 15 blessés dans l’entreprise, et 22 à l’extérieur. Au cours d’un exercice, il est difficile de simuler une fuite d’un produit chimique.
Monsieur FREMONT, commissaire dans la police nationale
L’exercice portait sur un PPI de 2 Km, et non de 4 Km. Cette configuration nous obligeait à tenir 6-7 points, une configuration à 4 Kms nous aurait obligés à tenir une quarantaine de points (nécessité de très importants moyens humains).
Pour tenir ces points, nous avions une vingtaine de fonctionnaires. L’ensemble du dispositif de la police nationale était composé d’une cinquantaine de personnes, le reste était composé des unités de police technique et scientifique, des unités destinées à l’enquête judiciaire, soit au total une cinquantaine de personnes. Nous avions également des équipages de moteurs pour les éventuels convois d’évacuation des blessés et pour permettre aux pompiers et aux médecins d’acheminer les blessés.
Notre mission était amoindrie par rapport à la mission en cas d’accident réel. Nous avons dû tenir les points de manière fictive, notre mission était de compter les véhicules entrant ou sortant pour évaluer les mouvements de population sur le site. Nous n’étions pas tenus de dévier la circulation ou d’effectuer d’autres tâches dont la réalisation aurait été difficile avec nos effectifs.
Nous sommes tout de même satisfaits d’avoir tenu en moins d’une heure les 6-7 points de la zone.
Monsieur VUIBERT
Il reste donc indispensable de faire appel dès le début du déclenchement du PPI à du renfort de forces mobiles pour suppléer les fonctionnaires et les militaires territorialement compétents pour tenir les points de barrage, pour permettre aux fonctionnaires et militaires du secteur de faire leur travail judiciaire, et leur travail courant sur le territoire.
Monsieur FREMONT
Le rappel des fonctionnaires demande en effet que nous soyons prévenus très rapidement.
Monsieur MANIER
Le maintien des périmètres de sécurité par les forces de police et de gendarmerie est un travail de fond en amont, et il s’agit d’un enseignement majeur tiré de l’exercice
Le rayon de sécurité était de 4 Km pour la partie théorique de l’exercice, et de 2 Km pour le déploiement des secours. 16 communes sont concernées. Imaginez ce que représente la base de données d’informations pour un simple message d’alerte d’une minute envoyé à tous les destinataires (16 communes, 59 établissements recevant du public, dont les écoles, les magasins’). L’automate doit être conséquent. Ce travail est d’ailleurs mené en préfecture pour d’autres types d’alerte.
Les acteurs concernés sont la préfecture, la sous-préfecture, la direction départementale de la Sécurité publique, la direction départementale des Services d’incendie et de secours, la direction départementale de l’Equipement, le rectorat, l’inspection académique, les maires, le S3PI, la direction régionale de l’Industrie et de la Recherche, et le SAMU. Les impératifs sont la maintenance d’un annuaire efficace et mis à jour en permanence ainsi que l’adaptation des consignes pour les standards.
La chaîne de commandement
La préfecture dispose d’un PC fixe, quasiment armable dès les premières minutes de l’information. Sa mission est bien sûr de récolter l’information, et surtout de la synthétiser pour maintenir informées les autorités départementales, nationales, zonales. Il lui faut éventuellement remonter toutes les demandes de renforts, mettre en place le bureau d’information des familles et une cellule communication à destination de la presse.
Le PC de l’exploitant gère les événements dans l’entreprise.
Le PCO positionné sur la zone d’Annezin gère les opérations sur place et sur le terrain. Le directeur des opérations de secours choisit son emplacement. Certaines opérations de courte durée peuvent se contenter d’un PC de base, d’autres réclament des lignes fiables : inutile de compter par exemple sur le réseau portable.
La permanence dans chaque mairie est un concept qui entrera dans les m’urs avec les PCS. (Le PCS est un mini-plan ORSEC de chaque commune.)
Nous disposons déjà d’une base de données en préfecture recensant trois représentants de chaque commune susceptibles de recevoir un message en cas d’alerte. Enfin, une cellule animation en préfecture permet d’exploiter les évènements et d’agir en conséquence.
Le retour d’expérience a évoqué le problème d’audibilité des sirènes.
D’autres moyens d’alerte sont possibles : nous avons testé les automates pour appeler des établissements recevant du public et des maires, et appeler d’autres acteurs. La qualité du message et son audibilité demandent encore à être améliorés.
Les médias sont un autre moyen d’alerte. Nous travaillons à une convention avec Radio France et les autres radios pour la diffusion de messages d’alerte des populations, et notamment des automobilistes.
Quant à la population, elle n’est peut-être pas ? indifférente ’, mais n’est sans doute pas culturellement prête pour ce type d’exercice.
Ce constat nous ramène à la non compréhension du signal PPI par la population. Un travail d’éducation reste à mener et c’est tout l’intérêt d’un tel exercice que de faire comprendre ce code.
Evidemment, un exercice pendant une matinée ne reflète pas la réalité, mais il s’en approche.
Poursuivre la sensibilisation de la population, et des différents acteurs, à la culture des risques reste un défi. Les exercices sont d’une grande utilité, d’abord parce que l’organisation et les schémas d’information ne sauraient être découverts le jour de l’accident, et ensuite parce qu’ils offrent une vraie remontée d’informations.
Monsieur VUIBERT
Lors de l’exercice, nous avons pu utiliser tous les réseaux de communication, mais ces derniers auraient probablement été rapidement saturés en situation réelle.
Par ailleurs, le PCO au plus près des évènements dans les premières heures de l’évènement correspond à une logique opérationnelle, mais si l’évènement doit durer, un point fixe est à prévoir.
Monsieur DESCAMP, responsable de la sécurité de la ville de Lillers
Le 18 octobre, nous avons été invités à participer à cet exercice. Nous savions que l’exercice se déroulait le 18 dans la matinée, mais à aucun moment nous n’aurions pu prendre de dispositions permettant d’informer la population, puisque nous n’avons reçu aucune information. Le territoire de Lillers est certes concerné pour une infime partie, mais la sirène Seveso n’est pas entendue sur la commune.
Francis VUIBERT
Nous tiendrons compte de ces éléments. Dans certaines communes, nos interlocuteurs n’ont en effet pas reçu les informations, même si des appels téléphoniques par automate ont été passés. Des confusions ont pu se produire : à entendre la sirène, certains ont considéré que le PPI était déclenché, or il s’agissait de la sirène POI.
4. Le comportement des populations
Andrée DELRUE, responsable du S3PI de l’Artois
Les campagnes d’information concernant les risques majeurs ont été menées par les exploitants de l’ensemble des sites Seveso de l’Artois et le S3PI en 2001 ; les prochaines seront menées en 2006. Entre ces deux périodes, il y a lieu de rappeler les consignes (ce que permettent les exercices PPI). C’est la deuxième fois qu’un groupe de travail ? information ? communication ? est mis en place dans le cadre de la préparation d’un exercice PPI.
La cible de cette communication a été le grand public : un communiqué de presse a rappelé les consignes à tenir et le sous-préfet de Béthune a lui-même organisé une réunion avec la presse quelques jours avant l’exercice. Contrairement à l’exercice de Noroxo fin 2002, la date n’était pas connue du grand public et n’a été divulguée qu’aux maires.
L’information a également été passée par le biais des bulletins municipaux ou de tracts dans les boîtes aux lettres.
Le rappel de consignes a été également donné aux personnes tenant un rôle en cas de confinement, à travers des réunions d’information avec les directeurs et les enseignants des écoles, et à travers une réunion avec les directeurs des établissements recevant du public
Je rappelle que le S3PI, depuis deux ans, organise cette information sur tout le territoire de l’Artois, grâce à des interventions scolaires dans les classes de CM2, 6e et 5e, en lien avec les industriels, les mairies, les associations de protection de l’environnement.
4.1. L’audibilité de la sirène ? Le comportement des populations
La protection civile a établi une carte d’audibilité de la sirène à partir des retours des questionnaires remplis par les observateurs.
En effet, les seize communes ont mis en place un réseau de 54 observateurs, en majorité positionnés dans les quartiers.
A Allouagne, la sirène était inaudible en début comme en fin d’exercice, selon quatre observateurs.
A Annezin, la sirène était inaudible en fin d’exercice, très peu audible au début, selon 7 observateurs.
A Béthune, la sirène était inaudible, selon 2 observateurs, tout comme à Bruay-la-Buissière.
A Chocques, elle était audible tout au long de l’exercice.
A Fouquereuil, elle était plutôt inaudible au début, et le signal de fin d’exercice était totalement inaudible.
A Fouquières-les-Béthune, elle était totalement inaudible pour la fin de l’exercice.
A Gonnehem, la sirène était plutôt audible.
A Gosnay, la sirène était inaudible.
A Hesdigneul-les-Béthune, un observateur a entendu les sirènes.
A Hinges, le signal était inaudible.
A Labeuvrière, le signal de début d’alerte était audible, mais le signal de fin inaudible.
A Lapugnoy, la sirène était inaudible.
A Oblinghem, la sirène était peu audible au début d’exercice, et inaudible à la fin.
A Vendin-les-Béthune, la sirène de début d’exercice était audible, mais inaudible à la fin de l’exercice.
Voici en résumé, les résultats globaux :
– le signal de début a été audible pour 33%, peu audible pour 20% et inaudible pour près de la moitié des observateurs,
– le signal de fin d’alerte, à 90%, n’a pas été entendu,
– la première sirène de déclenchement du POI a été suivie, environ 20-30 minutes après, par un signal de déclenchement du PPI, et 95% des observateurs ont noté que les populations ont confondu les deux sirènes,
– la population dans les quartiers est apparue indifférente (les gens ne sont pas rentrés dans le premier lieu public rencontré pour se mettre à l’abri, comme le veut la consigne),
– la mise en sûreté de la population n’a donc pas été efficace.
4.2. Le comportement dans les établissements scolaires
35 établissements - 32 écoles maternelles et élémentaires (dont deux écoles privées), l’Institut Médico-Educatif d’Annezin, le collège Liberté d’Annezin et l’annexe du lycée Malraux à Béthune - étaient impliqués.
La préparation de l’exercice a consisté en la mise en place des Plans Particuliers de Mise en Sûreté (PPMS) des établissements scolaires, qui je rappelle, portent sur tous les risques, et pas seulement le risque technologique. Les exercices ont été préparés avec le Rectorat et l’Inspection Académique.
L’information a concerné 270 personnes.
10 observateurs dans les établissements, 8 de l’Education Nationale et 2 du S3PI étaient présents dans les écoles les plus proches de l’usine (Un suivi était également organisé par l’Inspection Académique).
La sirène a parfois été entendue sur des communes éloignées du site, en revanche pour une commune plus proche, elle n’a pas été entendue. L’Inspection Académique n’a été prévenue que vers 11h. Dans les écoles n’ayant pas entendu le signal, le PPMS a donc été déclenché par téléphone entre 11h10 et 11h30.
4.3. L’alerte par système automatique d’appels téléphoniques
Chacun a conscience de l’efficacité très partielle des sirènes. C’est pourquoi, les industriels ont cherché dans le cadre du S3PI à installer un système d’alerte complémentaire à la sirène : un système d’appels téléphoniques automatisés concernant tous les acteurs d’un PPI, les institutionnels (pompiers, police, DRIRE’) comme les ERP. Ce système a été testé lors de l’exercice.
Pour le site d’I.C.I., deux listes de destinataires ont été établies :
– une liste institutionnelle, pour tous les services de l’Etat et les maires (19 destinataires au moment de l’exercice),
– une liste établissements sensibles, écoles et grandes surfaces notamment (76 destinataires).
Deux vagues d’appels se sont succédées : une pré-alerte POI à 9h32 pour la première liste, et l’alerte PPI à 9h51, cette fois-ci pour les deux listes. Un seul numéro par destinataire est composé avec 3 tentatives d’appel : une première tentative, la seconde cinq minutes après en cas d’échec, et une dernière tentative dix minutes après.
La durée totale de l’alerte téléphonique, établie à partir du journal des appels, a été de quinze à vingt minutes.
Les taux de réussite des appels sont les suivants :
– 83% pour la pré-alerte POI,
– 74% pour l’alerte PPI vers la liste des institutionnels,
– 54% pour l’alerte PPI vers la liste des établissements sensibles,
ce qui donne un taux de réussite globale de 61% pour cet exercice.
L’analyse par catégorie donne :
– dans les mairies, 12 appels réussis sur 14 (appels passés et validation du destinataire),
– dans les administrations 3 appels réussis sur 5,
– dans les ERP commerciaux, 5 appels réussis sur 14,
– dans les ERP industriels, 7 sur 9,
– dans les foyers, 3 sur 3,
– dans les autres (salles de sport, salles communales’), 4 appels réussis sur 23.
Le taux de réussite chute donc pour des salles communales ou des salles de sport, des lieux qui ne sont pas occupés en permanence.
Points négatifs : l’Inspection Académique n’a pas été répertoriée dans les listes POI et PPI, et n’a pu recevoir cet appel. Les listes d’appels sont incomplètes (exemple : 27 écoles destinataires ont été citées alors qu’il en existe 35). Un manque d’acquittement des appels est parfois dû à la non activation possible de la touche ? dièse ? sur les standards téléphoniques.
4.4. Les améliorations possibles du dispositif d’alerte
Ces exercices donnent la possibilité à l’exploitant, à la protection civile et à l’ensemble des destinataires, de vérifier l’exhaustivité des listes d’appels. L’exploitant devra également travailler en lien avec le prestataire du système d’appels, à la résolution du problème d’acquittement au niveau des standards.
Dans le cadre de l’exercice, un seul numéro par destinataire a été utilisé, mais 4 numéros sont prévus dans la future configuration. En septembre, les destinataires ont été invités à compléter la liste d’appels. Avant la fin de l’année, les huit sites industriels auront enregistré ces numéros supplémentaires pour rendre encore plus efficace le dispositif.
4.5. Les pistes d’amélioration pour les futurs exercices PPI
Les pistes d’amélioration pour les futurs exercices PPI sont les suivantes :
– associer France Inter et France Bleu Nord quant à la diffusion des consignes pendant les exercices (les consignes communiquées par voie de presse invitent en effet les populations à écouter la radio),
– organiser un confinement réel pendant l’exercice à l’échelle d’un quartier (la compréhension du message d’alerte était si faible qu’un prochain test sur une zone restreinte est indispensable),
– pérenniser l’information grâce à la prochaine campagne d’information en 2006, mais également à travers tous les exercices qui sont autant d’occasions d’éduquer des populations à la fois très demandeuses d’information, et si peu actrices lors de ces exercices.
Echanges
Monsieur GOHIER, président de l’association pour la sauvegarde des puits artésiens
D’abord, le risque terroriste reste présent : un sniper pourrait très tirer sur un wagon. Le chemin de fer passe d’ailleurs à proximité de l’usine.
Le traitement du sol a posteriori n’a pas été évoqué. Or, je suppose que le gaz, à l’état liquide dans le wagon, se répand au sol avant la vaporisation.
Vous avez évoqué les secteurs angulaires tenant compte du vent. J’habite à 6.5 Km de la sucrerie de Lillers. Je signale que certains jours, par vent même faible, l’odeur de l’usine parvient jusqu’à nous.
Monsieur THOMAS
Ce gaz est particulièrement détectable à l’odeur, pour des concentrations infimes (inférieures à 1 ppm). Il est détectable très loin sans présenter de danger.
Monsieur MANIER
Le vent entre en ligne de compte au même titre que les conditions de température, le paramètre des couches d’inversion de températures en atmosphère, les conditions de relief ? Nous avons en outre essayé d’envisager avec la DRIRE les situations en fonction du débit, de la température, de l’état du nuage.
Par ailleurs, certains produits sont plus lourds que d’autres. Le paramètre météorologique est un paramètre presque inexploitable dans l’immédiat. Il ne sera exploité qu’a posteriori, ou après de nombreuses mesures. En outre, les capteurs météorologiques ne sont pas sur site (la station de référence peut être à plusieurs kilomètres). Le vent n’est vraiment qu’un paramètre parmi d’autres. .
Monsieur VUIBERT
L’existence de la ligne SNCF a été prise en compte dans le PPI, même si elle n’a pas été évoquée au cours de cette réunion. De même, au-dessus du périmètre, une zone de navigation aérienne est également prise en compte.
La dépollution du sol fait partie du travail normal, sans qu’elle présente un caractère d’urgence dans ce cas.
Le risque terroriste, lui, existe partout, et toute installation prévoit d’y faire face dans ses plans.
Monsieur LALLEMENT
80% de la population de Béthune écoute quotidiennement la radio. Parmi les auditeurs, 23,5% écoutent les radios du service public, 70,9% écoutent les radios privées et commerciales, 6,3% les radios privées associatives sans but lucratif et 0.7% les radios étrangères.
Dès lors, passer à côté d’un tel média est impossible, et recommander l’écoute des seules radios publiques (c’est le cas aujourd’hui) est inopérant. La priorité est la multiplication des vecteurs de communication.
Par ailleurs, les messages d’alerte devraient être pré-enregistrés, sauf à passer inaperçus dans l’information (dans le cas, par exemple, où un animateur annoncerait une explosion chez I.C.I juste après avoir raconté une blague’).
Monsieur VUIBERT
Les textes prévoient une convention avec les radios dont la mission est de service public. Evidemment, l’information devra être diffusée par les autres médias (je connais tout de même peu de radios locales privées sur le territoire). En contrepoint, des villes d’importance peuvent rassembler 30 ou 40 émetteurs. Tous les contacter devient beaucoup plus difficile.
Nous cherchons à réduire le nombre d’interlocuteurs, pour économiser du temps de diffusion de l’information. Il faudra tout de même prendre en compte la spécificité du territoire que vous évoquez, et le nombre d’auditeurs écoutant des radios autres que celle du service public.
Pré-formater les messages est nécessaire : nous avons d’ailleurs fait la même remarque à propos des moyens de ? public adress ’, les moyens mis en ’uvre par les services de police, le SDIS, ou les gendarmes (qui disposent de véhicules avec un haut-parleur). Dans ce cas aussi les messages devront être pré-enregistrés. Il est impensable que quelqu’un au micro lise un papier griffonné ? à la volée ? au téléphone.
Madame THELLIEZ, chargée de mission Risques au Rectorat
La cohérence entre les PCS et les PPMS mis en place dans les établissements scolaires est indispensable, la mairie étant destinataire de l’ensemble des PPMS des écoles et établissements de la commune.
L’alerte téléphonique dans les écoles était assez efficace parce que les directeurs étaient informés de la survenue d’un exercice dans la semaine : les répondeurs ont été déconnectés ! ... Lors d’un sinistre réel, les résultats auraient probablement été moins bons.
Certaines structures communales utilisées par les écoles et établissements n’étaient pas répertoriées dans le PPI : les gymnases, les ensembles culturels ou sportifs.
Par ailleurs, les écoles ne disposent que d’une seule ligne téléphonique (elles ne pourront présenter 4 numéros) et le répondeur est souvent branché. Dans les collèges et lycées en revanche, plusieurs différents numéros de téléphone existent.
Madame DAY, de l’Association Nature Environnement Futur
Nous habitons un village où la construction d’un site Seveso à hauts risques fait débat. L’enquête publique aura lieu fin décembre. Une tornade est passée à l’endroit du site en 1967, provoquant la mort de deux personnes de la commune. Les promoteurs du projet connaissaient-ils cette catastrophe ?
Monsieur VUIBERT
La tornade ou le cyclone sont des phénomènes imprévisibles. En tout cas, une expérience, courte, accumulée en 5 ans, montre que la Terre reçoit annuellement la même pluviométrie. Certains endroits sont moins arrosés, dans d’autres les pluies sont plus violentes et concentrées. Rien ne laissait penser que les pluies violentes allaient tomber là où elles tombent. Le phénomène n’épargne aucune partie de notre territoire.
Madame DAY
Pourtant, 30 ans avant la tornade de 1967, une autre tornade était déjà passée à l’endroit précis où est envisagé le site Seveso.
Monsieur VUIBERT
Les phénomènes pluvieux orageux, tel qu’on les connaît, sont amenés à être de plus en plus nombreux.
Conclusion
Monsieur VUIBERT
Merci aux participants à cette réunion et à ceux qui se sont investis dans cet exercice, la chose n’était pas aisée. Même si certains de nos concitoyens ont voulu le tourner en dérision, cet exercice était mûrement et sérieusement préparé.
La phase des retours d’expériences elle aussi a été menée jusqu’au bout : il s’agit, et c’est assez rare, de la 3e réunion de retour d’expériences. Nous avons voulu tirer le plus d’enseignements possibles.
Un tel exercice a ses limites, voire ses invraisemblances, mais a le mérite d’exister : les points positifs n’ont sûrement pas été soulignés, ils sont pourtant nombreux. Pour d’autres points, demeurent des marges de progression. Le PPI de Chocques va être modifié en conséquence, tout comme l’ensemble des PPI du territoire en 2005.
Parmi nous, certains sont destinataires, soit pour avis avant qu’il soit arrêté, soit après comme destinataire officiel, du document appelé PPI. L’expérience de l’exercice montre qu’il serait bon que nous tous le lisions et vérifions, par exemple, que les numéros de téléphone attribués sont justes. C’est notre responsabilité. Nous devons également faire l’effort de pédagogie pour l’ensemble de nos collaborateurs : le PPI ne se résume pas à 2 centimètres de papier supplémentaires à empiler sur l’étagère, c’est un document susceptible de devenir opérationnel dans trente secondes, dans deux minutes, dans six mois, voire jamais.
Sigles :
ADEME ? Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie
DDASS ? Direction départementale des affaires sanitaires et sociales
DEEE ? Déchet de l’équipement d’électrique et électronique
DIS ? Déchet industriel spécial
DRIRE- Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement
HQE ? Haute qualité environnementale
MMA ? Mono methyl amine
PCA ? Poste de commandement avancé
PCO ? Poste de commandement opérationnel
PPNU ? Produit phytosanitaire non utilisé