SUCRERIE DISTILLERIE DES HAUTS DE FRANCE
M. Joël FILY, Président de la Commission Technique Risques, Sous-Préfet de Béthune, remercie les participants de leur présence, ainsi que l’usine Sucrerie Distillerie des Hauts de France (SDHF) pour l’accueil de la Commission Risques du S. 3 P .I.. Il rappelle que la prévention est la mission de cette Commission. Il souligne l’importance particulière de la tenue de la réunion sur le site qui doit permettre d’analyser concrètement ce qui s’est passé et d’en tirer les enseignements. Il précise que l’activité de la Commission est aussi bien intellectuelle qu’opérationnelle.
Il indique ensuite l’ordre du jour :
– La présentation de la société et du site ainsi que les circonstances de l’accident,
– La présentation de l’intervention du Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS) 62,
– Les conclusions de la Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement (DRIRE),
– La visite du dépôt reconstruit.
Présentation de la Société et du Site
Monsieur LONGUET Directeur Général Adjoint S.D.H.F
M. LONGUET, Directeur Général Adjoint SDHF, souhaite la bienvenue aux participants.
En présentant son usine, M. LONGUET indique que SDHF est une coopérative agricole sous la tutelle du Ministère de l’Agriculture. Les fournisseurs de matières premières, tels que les livreurs de betteraves, les clients et les actionnaires sont en même temps associés. Une partie du résultat dégagé par les entreprises est destinée à assurer son développement et une meilleure rétribution des apports.
M. LONGUET rappelle que SDHF résulte de la fusion en 1994, de l’usine d’Attin, près de Montreuil, et de celle de Lillers. Des documents anciens tels que photos et papiers retracent l’histoire des deux coopératives qui remontent aux années 1920, où elles fabriquaient déjà du sucre et de l’alcool.
SDHF possède 2 des 35 sucreries en fonctionnement en France et travaille des betteraves produites sur 20 400 Ha. M. LONGUET précise que leurs produits représentent un peu plus de 4% du sucre français tandis que la France représente 4% de la production mondiale.
Au niveau des chiffres d’affaires, M. LONGUET indique qu’à cause de mauvaises conditions climatiques, les chiffres de 2001 sont plus faibles :
– Chiffres d’affaires : 116 M Euros (environ 760 M Francs) ;
– Effectifs moyens : 300 personnes dont 275 permanents, renforcés par un effectif complémentaire saisonnier d’environ 75 à 80 personnes sur chacun des deux sites ;
– Betteraves travaillées : 1 330 000 T dont un peu plus de 900 000 T sur Lillers ;
– Productions : - sucre : 150 000 T ;
– alcool : 420 000 Hectolitres ;
– pulpes déshydratées : 48 000 T. Il s’agit d’une transformation de la cellulose de la betterave en aliment du bétail.
M. LONGUET précise qu’un tiers de la production de SDHF est commercialisée en France ; un tiers en Afrique du Nord, en Asie et au Moyen Orient. Le solde est livré dans les pays proches Belgique, Grande Bretagne dans le but d’optimiser les coûts de transport.
Au niveau de l’alcool, M. LONGUET indique qu’un tiers de la production est commercialisée en France avec FRANCE ALCOOL, un quart en Grande Bretagne et le reste sur le reste de l’Europe. Les destinations de l’alcool sont variées : pour servir de base dans la composition de certaines boissons, vers la chimie, les parfumeurs et la fabrication de cosmétique. Une partie de la pulpe de betteraves est reprise par les coopérateurs pour leurs troupeaux et, une autre par l’entreprise DESHYFRANCE, qui l’envoie, soit en France même, soit vers l’export.
M. LONGUET mentionne que le site de Lillers qui représente environ les 2/3 de l’activité de la société, est implanté sur 40 Ha hors bassins de décantation. A proximité, 150 Ha sont consacrés à la décantation des terres et au recyclage de l’eau.
Pendant la campagne, 13 000 T de betteraves y sont traitées journellement, c’est-à-dire 1 camion qui rentre à l’usine toutes les 45 à 50 secondes. Cela demande beaucoup de planification et d’organisation.
Le sucre cristallisé produit en campagne est de l’ordre de 1 000 tonnes par jour. Il est directement stocké dans les silos. Une partie de ce sucre est produit sous forme de sirop et est stocké dans des tanks dans l’attente d’être retravaillé en distillerie ou lors de la mini campagne.
M. LONGUET précise que le site de Lillers produit en distillerie 1 500 hectolitres/jour d’alcool et en sécherie : 600 tonnes de pulpes par jour. En campagne, SDHF consomme 600 tonnes de charbon quotidiennement, l’équivalent de 2 péniches de charbons et elle a une autoproduction de 12 MWh.
LA PRODUCTION D’ALCOOL A LILLERS
M. LONGUET précise que la fabrication de l’alcool qui représente 15% des chiffres d’affaires de l’usine se fait à différents niveaux.
D’abord l’étape de fermentation en présence de produits sucrés et de levure puis la distillation permettent la fabrication du flegme à 96 ? soit une production de 750 000 hectolitres par an. Cet éthanol peut être utilisé comme alcool pour carburant ou alors il est repris et rectifié pour produire un alcool surfin (alcool pur) et un alcool mauvais goût (alcool avec des impuretés).
M. LONGUET précise que la gestion de ces différents alcool impose un nombre important de bacs afin de permettre la reprise de produits intermédiaires, l’analyse et la gestion qualité de ces alcools.
M. LONGUET précise que le site de Lillers possède une zone de stockage d’alcool et une zone d’activité d’expédition de ces alcools. La zone de stockage est composée de deux zones : celle construite dans les années 1980, pour deux bacs de 2 500 m3 et celle complétée en 1988 par des bacs de stockage d’un total de 4 500 m3.
LE DEROULEMENT DE L’ACCIDENT
M. LONGUET rappelle ensuite le déroulement de l’accident. L’après-midi du lundi 3 septembre 2001, certains membres du personnel était en phase de préparation du démarrage de la nouvelle campagne de fabrication d’alcool.
Le Bac F10 servant à stocker les flegmes est nettoyé. M. LONGUET précise que le permanganate est un oxydant servant à retirer les impuretés des flegmes.
Le personnel après avoir dispersé 50 kg de permanganate de potassium dans ce bac, commence à 16 heures à transférer un peu de flegmes du bac voisin. Après transfert de 22 m3, il vérifie le bon fonctionnement des pompes de mélange. Un quart d’heure plus tard, il décide de programmer pour le lendemain le transfert des 470 m3 restant.
A 16 H 30 mn, le personnel quitte le site du stockage d’alcool.
A 16 H 42 mn, l’explosion est entendue dans l’usine, voire dans Lillers. Après 8 minutes, les premiers équipiers incendie sont sur les lieux et assistent à 16 H 52 mn à l’explosion du bac voisin, le MG 11. A 16 H 55 mn, deux petits bacs vides non dégazés explosent. Les derniers équipiers incendie arrivent et mettent en action tous les arrosages et les canons à mousse. A cette heure, le bac R9 qui contenait les 470 m3 d’alcool était sous protection, c’est-à-dire que ses rampes d’arrosage eau et mousse fonctionnaient.
M. LONGUET indique que le CODIS (Centre Opérationnel D’Incendie et de Secours) est appelé à 16 H 58 mn et la direction, après une concertation rapide, déclenche le Plan d’Opération Interne (POI). La cellule de crise est en action à 17 H 05 mn. La préfecture et la DRIRE sont appelées quelques minutes plus tard.
Vers 19 H ou 20 H, le résultat est constaté : un bac vide a subi des déformations mais il reste debout ; un autre plein, a été sauvegardé. M. LONGUET constate que vu la masse d’alcool qu’il contenait, il a mieux résisté étant protégé par les rampes d’arrosage. Un petit bac journalier a également résisté ; deux autres ont explosé, et deux petits bacs journaliers sont éventrés sur leurs toitures. Le toit d’un des bacs a été projeté devant le stockage de pierres à chaux.
L’ETAT DES LIEUX 9 MOIS PLUS TARD
M. LONGUET indique que 9 mois après l’accident, le stockage a été remis en état et est prêt à redémarrer. Tous les bacs sont rééquipés à l’identique avec un certains nombres d’améliorations.
LES CONSEQUENCES DE L’ACCIDENT
M. LONGUET note que l’usine a eu énormément de chance puisqu’il n’y a pas eu de pertes humaines. En effet, les deux bacs de la première cuvette qui contenaient de l’alcool ont été très vite protégés et ont permis de poursuivre l’activité depuis septembre, en ne conservant que l’activité flegmes.
M. LONGUET précise que les pertes d’exploitation ont été minimisé grâce à la poursuite partielle de la production d’alcool. En revanche les installations de rectification ont été arrêtées pendant plus de 9 mois. L’accident de l’usine AZF de Toulouse les a amenés à réfléchir plus longuement sur les causes de leur accident. L’usine fonctionnera à partir de juillet-août, avec l’aménagement des horaires de travail du personnel. Elle est repartie pour une période de production de 380 jours, ce qui n’est pas habituel sur le site. La distillerie a déjà redémarré la semaine d’avant, et ce jusqu’au 25 juin 2003. Les pertes d’exploitation s’élèvent à environ 2 millions d’Euros et font de cet accident un sinistre non négligeable.
Au niveau de l’environnement, M. LONGUET relève que cet accident n’a absolument entraîné aucune pollution. Tout s’est passé correctement : les cuvettes ont bien rempli leur rôle et ont bien contenu toutes les eaux d’extinction.
Présentation du Service Départemental d’Incendie et de Secours 62
Le Commandant MIAUX Chef du Groupement 2 du SDIS
LES ENSEIGNEMENTS
M. LONGUET souligne qu’il faut toujours essayer de positiver et de tirer les enseignements d’un tel accident. Le premier en ce que les exercices incendie et gestion de crise faits antérieurement ont été extrêmement positifs. Il note que l’exercice de simulation sur l’explosion d’un réservoir à alcool en juin 2001 les a beaucoup aidés.
Le deuxième enseignement est la découverte de la réaction méconnue industriellement de l’alcool et du permanganate. Cette réaction peut être à l’origine de nombreux accidents mais ces derniers n’avaient jamais été analysés auparavant. M. LONGUET confirme qu’ils ont réussi à montrer avec l’INERIS que l’explosion résultait de l’association du permanganate et de l’alcool dans certaines conditions.
L’enseignement suivant concerne l’intérêt des cuvettes séparées qui ont permis de protéger deux des bacs et de poursuivre l’exploitation alors que les bacs détruits étaient en reconstruction.
Le dernier enseignement touche aux interrogations en cas d’accident similaire en dehors de la présence du personnel. En effet, l ’accident a eu lieu un quart d’heure avant l’arrêt de l’activité du site et tout le personnel a été prêt à agir.
Le Commandant MIAUX, SDIS, Chef du Groupement 2 du SDIS propose d’exposer le déroulé de l’intervention du SDIS et les enseignements qu’ils en ont tirés. Il présente le film de l’accident pour montrer les dégâts et la situation à laquelle ils ont été confrontés.
Il présente ensuite les intervenants du SDIS avec leurs sujets respectifs :
– Le Commandant BACQ, adjoint au Groupement, développera les éléments favorables et défavorables lors de l’intervention ;
– Le Commandant BECOURT, Chef du service Prévision à la Direction Départementale, expliquera les relations entre l’industriel, les services de l’Etat, et les sapeurs pompiers, de manière à avoir un plan d’intervention cohérent en cas de situation accidentelle ;
– Le Colonel DUPRIEZ, commandant des opérations de secours, fera le déroulé de l’opération.
Le Commandant BECOURT explique qu’une telle intervention se prépare avant l’évènement. Les sapeurs pompiers établissent un plan de secours interne au SDIS en collaboration avec les sapeurs pompiers locaux qui sont les pompiers du groupement 2 et du Centre d’Incendie et de Secours de Lillers. Ce plan, établi en collaboration avec SDHF s’appelle ? le Plan d’Etablissements Répertoriés ? (ETARE).
Le Commandant BECOURT précise que c’est un plan réflexe assez succinct où sont condensées les informations essentielles pour les sapeurs pompiers. Ce document qui sert dans la première heure de l’intervention est élaboré conjointement avec l’industriel. Il est établi en fonction des risques propres à l’établissement et des mesures nécessaires pour y faire face. Au niveau du plan de secours, les moyens prévus dans le plan d’intervention dépendent des risques présents sur le site, leur nature, leur qualité et leur importance. D’où le dimensionnement et les engins à faire partir en cas de nécessité. Ce plan s’intègre également dans le Plan d’Opération Interne (POI), qui lui, est établi par le Directeur d’établissement.
Il rappelle que le POI est un document opérationnel qui permet de gérer les situations accidentelles sur le site. Il est élaboré par le chef d’établissement en fonction des types de danger et est déclenché en cas d’accident. Le plan ETARE s’intègre dans ce POI au titre des moyens extérieurs prévus.
Lors du déclenchement du POI, le directeur d’établissement reste le directeur des secours, y compris en ce qui concerne l’action des sapeurs pompiers, et ceci tant que les effets de l’événement ne dépassent pas les enceintes de l’usine. Il note qu’au-delà de l’usine, il est prévu un plan préparé par le Préfet : le Plan Particulier d’Intervention (PPI).
Pour ce qui concerne le plan ETARE, il est établi par les sapeurs pompiers qui prennent en compte les risques majorants du site, en l’occurrence ici le stockage d’alcool.
Le Commandant BECOURT note que le plan est ainsi composé de plusieurs éléments dont le plus important est la fiche des moyens adaptés aux risques. Pour le cas de SDHF, l’intervention de plusieurs casernes de pompiers étaient nécessaires (premier échelon des secours et unités spécialisées sur les risques technologiques). Cette mobilisation permet d’acheminer sur le site des moyens spécifiques aux risques chimiques et radiologiques.
Il souligne qu’un deuxième échelon de renfort peut aider à anticiper l’événement. Le déclenchement conjoint des premier et deuxième échelons permet d’avoir une arrivée massive de moyens pour gagner du temps en intervention. La localisation d’un point de rassemblement pour les véhicules, appelé Point de Regroupement et de Répartition des Secours (PRR) est nécessaire pour aider à la gestion des moyens. Ce lieu est décentré par rapport à l’établissement. Il est situé dans un endroit facile d’accès ne présentant pas de risques.
Dans le cadre de l’intervention à Lillers, le Commandant BECOURT signale que l’ensemble des engins qui n’étaient pas orientés directement vers le site se sont dirigés vers le point de regroupement situé à la sortie de l’autoroute A 26, au niveau de la plate-forme LIDL. Les secours sont orientés vers l’établissement par un plan de situation qui peut contenir un plan d’itinéraire établi en fonction du sens du vent afin de les protéger des risques toxiques. Le plan de masse localisait le stockage d’alcool où a eu lieu le sinistre. Le plan reste synthétique mais contient l’ensemble des éléments d’information importants dont les poteaux d’incendie sur le site, les différents risques, bâtiments et axes de circulation. Ceux-ci permettent aux sapeurs pompiers de se diriger vers le lieu sinistré.
M. MIAUX, SDIS 62 Bruay-La-Buissière, indique qu’une intervention de cette envergure nécessite un grand nombre de moyens : pour éteindre l’incendie, pour les opérations de levage ou éventuellement de désincarcération. Tous ces engins sont à prévoir au préalable et sont répertoriés sur un plan. Il rappelle les différents plans avec leurs responsables respectifs :
– le plan ETARE, spécifique aux sapeurs pompiers,
– le POI qui est interne et sous la responsabilité de l’industriel,
– le PPI, un plan général externe sous la responsabilité de l’Etat.
LA CHRONOLOGIE OPERATIONNELLE
Le Colonel DUPRIEZ indique que le commandant des opérations de secours arrive en général en dernier alors que les actions ont déjà été entamées par les officiers auparavant.
Il donne ensuite la chronologie des événements :
– 16 H 42 mn : première explosion, celle du bac F10 avec inflammation du réservoir et de la cuvette B ;
– 16 H 51 mn : arrivée de nombreux appels au centre de secours de Lillers émanant de l’usine et de témoins oculaires en particulier un pêcheur dans le secteur avec son téléphone portable par le biais de la police. Les moyens du plan d’établissement répertoriés sont alors rapidement déployés ;
– 16 H 52 mn : deuxième explosion ;
– 16 H 55 mn : l’explosion des deux bacs BJ6 et BJ7 qui ont eu leurs toits arrachés alors que les moyens fixes et les éléments du POI étaient mis en ’uvre.
La chronologie et l’arrivée des moyens extérieurs :
Le Colonel DUPRIEZ note que grâce à la rapidité des appels, les moyens extérieurs sont arrivés très vite. Le POI avait déjà été déclenché par le directeur de l’entreprise et les premiers moyens mis en ’uvre à 17 H 00.
– 17 H 10 mn : le Poste Central (PC) commence à fonctionner avec les premiers contacts pour solliciter les conventions d’assistance/comptage des personnels à partir des points de rassemblement : pas de victime dénombrée ni de manquant/l’installation fixe commence à faire son office et le sinistre commence à régresser ;
– 17 H 35 mn : l’ensemble des dispositifs, c’est-à-dire les moyens extérieurs qui complètent les dispositifs fixes sont en place, et sont mise en oeuvre.
– 17 H 55 mn : l’incendie est considéré comme maîtrisé. De petites reprises sont toutefois opérées puisque l’extinction à la mousse est tributaire de tout ce qui se trouve dans la cuvette. Les parois chaudes, les jus des bacs, les toits ou toutes les ferrailles qui se trouvent à l’intérieur peuvent provoquer des reprises d’incendie ;
– vers 18 H 20 mn, l’incendie est considéré comme éteint, mais les risques subsistent ;
– Le désengagement des moyens des pompiers commencent vers 19 H 00. L’organisation des surveillances est faite pour la nuit jusqu’au lendemain matin.
Par rapport au plan d’attaque et en fonction des choix tactiques opérationnels, Le Colonel DUPRIEZ indique le déroulement l’événement :
– Arrivée des moyens de Lillers au moment où les moyens fixes de l’établissement sont en ’uvre alors que le sinistre est important dans la cuvette B. Le Colonel DUPRIEZ explique que les pompiers n’attaquent pas le c’ur du foyer d’incendie. Les premières actions sont pour compléter le refroidissement du bac R2 qui contenait de l’alcool. Une deuxième lance est ensuite mise en place pour compléter le rideau d’eau constitué par les moyens fixes de l’entreprise. Ces moyens fixes sont des lances monitor (LM) installés au 4 coins de la cuvette, les LM 90 et 120 ainsi que des courants de refroidissement situés à la fois dans les cuvettes et les couronnes des installations périphériques (les bacs de sirop, le silo à sucre, etc’) ;
– Lorsque le risque de propagation commence à être écarté, une lance est mise en place pour compléter l’extinction au niveau des bacs qui avaient explosé. Comme les tapis de mousse étaient difficile à mettre en place, il fallait pouvoir aller au-dessus de la ferraille pour compléter l’extinction. La lance canon 4 a complété le refroidissement du bac R8 vide non dégazé. Le Colonel DUPRIEZ rappelle que les bacs vides non dégazés sont les plus dangereux ;
– Les derniers moyens mis en ’uvre viennent d’Auchel. La lance 5 complète le refroidissement du bac R8, et la lance 6 le bac R9 qui contenait de l’alcool.
Le Colonel DUPRIEZ ajoute que tous ces dispositifs ont contribué à faire baisser rapidement l’intensité du sinistre. Les caractéristiques techniques de ces dispositifs sont les suivantes :
– La puissance hydraulique utilisée est évaluée grossièrement à 800 m3/Heure pour les lances, sans compter les débits des couronnes ;
– La quantité d’émulseurs de 30 m3 de la réserve a été utilisée dans sa totalité ;
– Les lances utilisées sont essentiellement celles du système d’extinction fixe de l’entreprise, 2 lance-canon sapeur pompier (SP) et 4 lances à main à débit variable SP ;
– La durée de l’intervention est évaluée à 15 heures, y compris la surveillance opérée toute la nuit. La durée de l’extinction est estimée à 1 H 30 mn, du début du sinistre jusqu’au message d’extinction du feu.
– Conformément au plan ETARE, les moyens utilisés ont été : 90 SP et 18 engins provenant de 14 centres de secours. Les 2 échelons sont déclenchés ; tous les moyens ne sont pas utilisés, une bonne partie est restée au point de regroupement. Le Colonel DUPRIEZ précise l’importance des moyens disponibles même s’ils n’ont pas été utilisés.
LES ELEMENTS POSITIFS ET NEGATIFS DU SINISTRE
Le Commandant Jean-Paul BACQ, SDIS 62 de Bruay-La-Buissière indique que l’intérêt de ce retour d’expérience est de développer l’analyse de l’événement tel qu’il a été vécu, et de faire ressortir les éléments techniques et opérationnels d’amélioration. Celles-ci ont déjà été prises par l’établissement puisque suite au sinistre, des réunions de synthèse ont déjà eu lieu et chaque service a pu faire part de ses observations.
Il rappelle les différents éléments qui leur ont permis d’intervenir dans les meilleures conditions et de limiter les conséquences de l’événement, ainsi que ceux qui ont eu un effet contraire susceptible de dégrader la situation.
LES ELEMENTS DEFAVORABLES
Le Commandant Jean-Paul BACQ indique que la présence de réservoirs non dégazés a engendré plusieurs explosions sur plusieurs bacs. Cela a nécessité la mise en place de moyens de refroidissement pour les capacités non touchées par le sinistre.
Le deuxième élément défavorable concerne les dépôts d’alcool sur le site. Le principe général de l’isolement des risques en matière de prévention était difficile à appliquer. La situation géographique des dépôts d’alcool aurait pu avoir des conséquences nettement plus graves sur les installations voisines et poser des problèmes d’accès pour les secours.
Le Commandant Jean-Paul BACQ relève aussi le problème de la mise en ’uvre manuelle des installations fixes qui demande du personnel sur place. Il préconise à l’avenir un déclenchement automatique. Il rappelle que l’utilisation d’un déversoir sur le bord des cuvettes permet une application douce de la mousse. Celle-ci se déverse en douceur à la surface du liquide en feu. L’émulseur n’est pas contaminé car il n’y a pas de projection et la cuvette est couverte très rapidement de mousse. Il note que l’absence de déversoir entraîne une perte d’efficacité. En effet, la mousse est projetée sur le réservoir pour ensuite couler afin d’écarter l’alcool en feu au pied des bacs.
Il soulève également l’incompatibilité des émulseurs. Lorsque le PC est activé, son travail est d’anticiper sur l’événement et de chercher des émulseurs chez les fournisseurs ou les entreprises voisines. Des contacts ont été pris avec le site d’Attin. Il s’était aperçu qu’il y avait une incompatibilité entre les émulseurs. D’où l’intérêt de répertorier les moyens d’émulseurs, ce qui est désormais fait avec le SDIS 62 et permet d’avoir une liste exhaustive dans le POI.
LES ELEMENTS FAVORABLES
Pour les éléments favorables, le Commandant Jean-Paul BACQ rappelle la présence du personnel sur le site au moment du sinistre. Il considère que les conditions météorologiques ont relativement facilité l’extinction du sinistre. La faible quantité d’alcool n’a demandé que peu de moyens et l’extinction n’a pas été une difficulté en soi. Sans s’étendre sur le plan ETARE, il note que s’il est incontournable pour SDHF, certains établissements peuvent en être dispensés.
En ce qui concerne les exercices POI, le Commandant Jean-Paul BACQ signale que deux exercices avaient été réalisés : un exercice cadre au mois de janvier et un exercice terrain au mois de juin. Les scénarios retenus ont facilité la tâche des secours au moment du sinistre.
Au niveau des SP, ceux-ci connaissaient le site et la tactique opérationnelle à retenir. Ils étaient revenus avec une certaine sérénité et certains ont pensé même que ce n’était qu’un troisième exercice.
Le dernier point concerne la mise en conformité du dépôt par rapport à l’instruction technique de 1989 visant à mettre en sécurité les dépôts existants. Le Commandant Jean-Paul BACQ rappelle qu’en 1994, des dispositions avaient été prises sur les installations et les dispositifs d’extinction.
Intervention de Monsieur DELHOMELLE
Monsieur DELHOMELLE Groupe de Subdivisions de Béthune - DRIRE
LE ROLE DE L’INSPECTION DES INSTALLATIONS CLASSEES
Mme Andrée DELRUE, Responsable du S3PI de l’Artois, la parole à M. Sébastien DELHOMELLE qui va expliquer le rôle de l’inspection des installations classées.
M. Sébastien DELHOMELLE, rappelle que pour la DRIRE, il s’agit de faire appliquer la réglementation sur les installations classées. Cette réglementation concerne les établissements qui présentent des risques vis-à-vis des populations ou des inconvénients vis-à-vis de l’environnement au niveau de l’eau, de l’air et des déchets.
Il indique que les moyens d’action de la DRIRE sont la prévention des risques au travers d’analyses et d’études des dangers ainsi que la proposition d’arrêtés préfectoraux afin de limiter ces risques, et enfin le contrôle des prescriptions réglementaires.
M. Sébastien DELHOMELLE signale que son exposé sur SDHF sera articulé autour des sujets suivants : la situation réglementaire, l’origine de l’accident, les mesures compensatoires prises et les enseignements tirés.
* La situation réglementaire de SDHF :
M. Sébastien DELHOMELLE rappelle que c’est une entreprise autorisée, classée SEVESO II pour le stockage d’alcool. Sa situation administrative est régulière et les stockages étaient conformes à l’instruction du 9 novembre 1989 relative au dépôt de liquides inflammables.
Il indique qu’au vu de l’inspection réalisée, avant l’accident l’établissement présente une situation saine au regard des exigences réglementaires.
* L’origine de l’accident :
Il s’agit d’une ignition, une réaction exothermique par un excédent de permanganate de potassium dans une solution aqueuse d’éthanol à 96%. M. Sébastien DELHOMELLE remarque que cette réaction n’a jamais eu lieu, alors que le permanganate est utilisé dans l’usine depuis 1988. Il rappelle que rien ne doit être acquis et qu’il convient de remettre en cause les scénarios à chaque réactualisation d’études de danger.
* Les causes de l’accident :
En présentant les études de l’INERIS, M. Sébastien DELHOMELLE rappelle que plusieurs essais ont été nécessaires pour décrire la situation critique à l’origine de l’accident. Il note les limites des essais en laboratoire.
* Les mesures compensatoires prises après l’accident :
M. Sébastien DELHOMELLE indique qu’il s’agit de :
– la mise en place d’un écran de brumisation entre les cuvettes A et B pour limiter les effets d’un sinistre,
– la mise en place d’une détection incendie couplée au déclenchement automatique des couronnes d’arrosage, ce qui permet une accélération des moyens d’intervention,
– la mise en place de détecteurs d’alcool et de fuel avec report des seuils d’alarme en salle de contrôle,
– la reconstruction avec toits éventables des bacs,
– la suppression de l’utilisation du permanganate solide avec son remplacement par du permanganate liquide dilué après validation par un organisme sucrier,
– la mise en place de déversoirs à mousse, suite à l’avis des pompiers, pour limiter les effets,
– l’inertage à l’azote des réservoirs à compter du 30 décembre 2002, qui est un engagement de l’exploitant sur les mesures préventives.
M. Sébastien DELHOMELLE note que de nombreuses mesures techniques sont mises en place. Il emprunte une expression selon laquelle ? la sécurité n’a pas de prix mais elle a un coût ; la notion de meilleure technologie disponible a un coût économiquement acceptable doit être dans l’esprit de tous ’.
* Les enseignements tirés :
M. Sébastien DELHOMELLE précise que la présence de réseaux incendie fixes a permis une action rapide et efficace. Cette intervention rapide est primordiale car le temps de réaction est un facteur essentiel de la maîtrise d’un sinistre. Il indique que l’exercice POI présente l’immense avantage de coordonner les moyens humains, éléments essentiels de la gestion d’un sinistre. Il s’interroge sur les conséquences de cet accident en dehors de la présence du personnel.
M. Sébastien DELHOMELLE relève l’incompatibilité des émulseurs mis à disposition par d’autres industriels proche de l’usine. Cette incompatibilité n’a pas permis une utilisation optimale. Il note que dans l’urgence, il ne doit pas y avoir de questions à se poser sur les moyens de secours ; un mélange d’émulseurs incompatibles peut faire pire que mieux.
En ce qui concerne les moyens de communications des sapeurs-pompiers, M. Sébastien DELHOMELLE constate qu’ils se sont montrés aussi défaillants que lors de l’exercice POI du 28 juin 2001. Il explique que les moyens de communication par talkie walkie ne passent pas à travers les structures métalliques et ne sont pas anti-déflagrants. L’utilisation de tels équipements incompatibles avec les installations peut être éventuellement admis dans le cadre d’un sinistre effectif, mais pas pour un POI car ils dégradent la sécurité intrinsèque des installations et sont susceptibles de générer un accident.
* Le retour d’expérience
Par rapport à l ’instruction technique de 1989, M. Sébastien DELHOMELLE indique que l’existence d’une vanne de pied de bac a joué un grand rôle. La coupure de la vanne a permis de sauver les 478 m3 d’alcool contenus dans le bac R9, évitant ainsi de les répandre dans la cuvette.
Les émulseurs :
M. Sébastien DELHOMELLE signale que 30 m3 d’émulseurs ont été utilisés pour éteindre 15 à 22 m3 d’alcool. Il estime que l’instruction technique de 1989 ne fixe qu’un minimum, et que l’étude de danger ne doit pas s’en contenter.
Les conventions d’assistance mutuelle pour la fourniture d’émulseurs :
M. Sébastien DELHOMELLE rappelle que l’intérêt d’avoir des émulseurs compatibles lors d’un sinistre est primordial. Ainsi, un groupe de travail a été monté au sein du S3PI pour recenser les moyens disponibles sur la région : la disponibilité des émulseurs, les moyens de pompage, la nature et les délais de transport. Il insiste sur la mise en commun des moyens qui permet des économies d’échelle et une meilleure assistance des secours. Il note que lors de l’incendie les émulseurs ont mis 7 heures pour arriver alors que la convention d’assistance avec ? Eau et Feu ? à Reims prévoyait 2 heures.
Il précise que l’action immédiate des moyens de secours fixes, (mise en place automatique des couronnes d’arrosage et de refroidissement des réservoirs) est primordiale. Il rappelle que des propositions d’amélioration ont été faites par l’exploitant en ce sens.
L’avis de la DRIRE
M. Sébastien DELHOMELLE précise que les conséquences de l’accident sont limitées du fait de l’intervention rapide des moyens fixes. Il note le caractère primordial des inspections, des exercices et des essais dans la prévention des accidents. Ceux-ci permettent de voir les failles du système : des vannes ouvertes qui ne doivent pas l’être, des encrassements de tuyauteries, des prises en masse d’émulseurs. Les moyens d’aménagement proposés par l’exploitant suite à l’accident, devraient permettre de poursuivre l’exploitation dans des conditions de sécurité améliorées. Il s ’agit des automatismes mis en place sur le déclenchement des moyens d’extinction, de la mise sous atmosphère d’azote des réservoirs de stockage à compter du 31 décembre 2002.
Il constate que le retour d’expérience lors de cette Commission est un facteur essentiel de la prévention. Il rappelle que l’accident de SDHF a été présenté au BARPI (Bureau d’Analyses des Risques Pollutions Industrielles) pour être pris en compte dans les futurs études de dangers de dépôts d’alcools. Il a également fait l’objet d’une présentation aux inspecteurs des installations classées au niveau européen. M. Sébastien DELHOMELLE met l’accent sur l’étude de dangers préalable qui est un maillon fort de la prévention des risques. L’industriel et les services de l’Etat doivent mettre les moyens nécessaires d’une part pour réaliser cette étude et d’autre part pour l’exploiter.
M. Sébastien DELHOMELLE conclut que ? le risque 0 n’existe pas ? et indique qu’il appartient à l’ensemble des acteurs de définir collégialement quel est le niveau de risque acceptable.
Mme Andrée DELRUE remercie les différents intervenants de leurs explications sur les circonstances de l’accident, la mobilisation des moyens de secours et les enseignements techniques tirés à la fois par les services de l’Etat et l’exploitant.
Elle invite les participants à poser leurs questions après s’être présentés.
M. Thomas SENAC, Entreprise Roquette Frères à Lestrem, demande comment les eaux d’extinction ont été traitées.
M. LONGUET explique que ces eaux contenues dans les cuvettes de rétention ont été analysées, surveillées puis traitées dans des systèmes d’épuration.
Mademoiselle Caroline BEHAGUE, La gazette Nord - Pas-de-Calais, souhaite savoir le nombre de plans ETARE dans la région Nord-Pas-Calais
M. Joël BECOURT indique qu ? il y en a environ 400 à ce jour. Il rappelle que le plan ETARE concerne également les établissements recevant du public à risques particuliers, comme les hôpitaux, les maisons de retraite’Ces plans sont mis à jour régulièrement.
M. Pierre THOMAS, ICI C&P Choques, demande si la quantité d’émulseurs utilisée est en rapport avec l’absence de déversions.
M. LONGUET estime que les émulseurs sont au prorata de la surface de la cuvette. Il indique qu’il est possible que la quantité d’émulseurs utilisés aurait été moindre s’il y avait eu des déversions.
Pour sa part, Le lieutenant Christian PARENT, SDIS 62, pense le contraire. Il rappelle que les émulseurs sont du savon brassé avec de l’eau et de l’air. Si la mousse est compatible avec le produit, elle va recouvrir uniformément l’ensemble de la cuvette afin d’étouffer l’incendie. Autrement, elle le détruit une fois déversée. Le problème se situe au niveau des facteurs comme la chaleur par exemple ; celle-ci détruit le tapis de mousse étendu sur le produit. Il faut qu’il y ait plus de mousse produite que le feu n’en inhibe. Il indique que les déversoirs permettent des actions plus rapides et plus efficaces parce que la mousse arrive et s’étend très rapidement sur les bords des cuvettes.
Mr. Sébastien DELHOMELLE précise que l’instruction technique de 1989 a été faite à une époque où les émulseurs étaient coûteux et que l’aspect technico-économique à dû être pris en compte. Il convient donc de réactualiser les calculs.
M. LONGUET indique qu’il y avait incompatibilité des émulseurs dans leur conservation mais pas dans leur usage. Il souligne l’importance des conventions régionales de prêt et d’échange sur les émulseurs (polaires et non polaires).
M. Joël BECOURT note qu’il est important de faire des essais. Il indique qu’il y a deux types d ’émulseurs’.
Mme Andrée DELRUE revient sur le recensement fait dans le cadre du S3PI. Elle informe que la synthèse réalisée par le service Prévision sera communiquée à chaque industriel. Il sera envisagé une rencontre, d’ici la fin de l’année avec le service Prévision et les 15 sites SEVESO assimilés. Son objet sera de voir effectivement comment élaborer une convention mutuelle à partir de ce recensement.
Mme Andrée DELRUE, invite ensuite les participants à voir sur le site comment le dépôt a été reconstruit et les divers aménagements techniques issus du retour d’expérience.
Elle termine en remerciant M. LONGUET et l’ensemble du personnel de la sucrerie de l’accueil de la Commission Technique Risques. Elle rappelle qu’une des raisons d’être du S3PI est d’assurer ces retours d’expérience et de communiquer vers la société civile.