L’effet de serre : enjeux et état des lieux Lens

La croissance de l’effet de serre : Quels enjeux ’

Mme Isabelle ROUSSEL Présidente de l’A.P.P.A.

M. Isabelle ROUSSEL, présidente de L’A.P.P.A., explique en préambule que l’effet de serre est un problème qui nous concerne tous et que si l’alerte a été lancée par les scientifiques, il est désormais devenu un enjeu politique et économique de la société.
L’effet de serre est un phénomène naturel, résultant du piégeage de l’énergie émise par le soleil par certains gaz, dits à effet de serre. Si l’atmosphère était transparente, la température à la surface de la planète serait de ’18’C au lieu des 15’C actuels : l’effet de serre a donc un effet bénéfique.
Cependant, les proportions de GES dans l’atmosphère ont beaucoup augmenté depuis le début de l’ère industrielle et les conséquences de cette énergie piégée supplémentaire restent méconnues. Il est probable qu’elle soit à l’origine du réchauffement de l’atmosphère, du sol, des océans, augmentation de la quantité d’eau évaporée’.
Toutefois, l’hypothèse du réchauffement de la planète se vérifie. Le niveau des mers et les précipitations ne cessent d’augmenter alors que la couverture neigeuse diminue. Il reste encore à déterminer si ces changements sont les prémices d’une modification climatique à l’échelle planétaire ou des aléas climatiques normaux.
Il faudra environ un siècle, soit une génération humaine, pour que ces changements deviennent tangibles. Les conséquences prévisibles sont : une translation des cultures vers le nord, une adaptation des milieux forestiers, une disparition de terres émergées, un développement de la vie parasitaire pouvant amener des problèmes sanitaires, la succession d’étés plus chauds et d’hivers moins froids.
L’augmentation de l’effet de serre est un problème mondial qui nécessite une action globale. La diversité des niveaux de développement, les contraintes économiques et politiques rendent cependant toute action commune délicate et les consensus difficiles à trouver, comme l’a démontré la conférence de Kyoto dont le protocole n’est toujours pas ratifié. La question reste entière quant à savoir s’il faut ou non considérer la ressource air comme une marchandise. Les solutions sont possibles, mais restent difficiles à mettre en place. Il s’agit de la nucléarisation, la taxe sur les énergies (TGAP) ou sur le carbone, l’intégration de puits de carbone, les Permis d’Emission Négociables (PEN) ? Mme ROUSSEL souligne que les PEN ne sont pas un droit à polluer mais qu’ils donnent la possibilité d’échanger des crédits d’émission adaptés au niveau de développement du pays.
Toutefois, si la réduction de l’émission des GES nécessite un consensus entre les pays, elle requiert aussi que chacun prenne conscience de son importance et modifie son comportement en conséquence.

Les émission de gaz à effet de serre en France et dans le monde

M. Jean-Philippe CARUETTE Président du CITEPA

M. Jean-Philippe CARUETTE, président de CITEPA, rappelle que si le protocole de Kyoto venait à être ratifié, 6 GES devraient faire l’objet d’un suivi quantitatif afin d’en permettre le contrôle : le CO2, le CH4, le N2O, le HFC, le PFC et le SF6. Ces gaz sont quantifiés en équivalent CO2 ou selon leur Pouvoir de Réchauffement Global (PRG). Selon qu’ils soient incinérés, mis en décharge, utilisés en co-génération,’, leur incidence sur l’atmosphère est différente, en terme d’importance de pollution atmosphérique et d’émission de GES. Il est à noter que le CO2 représente les 2/3 des GES émis.

Le bilan en 1999, à mi-parcours de l’échéance du protocole de Kyoto, montre que si l’industrie est souvent remise en cause, ce sont surtout le transport ainsi que le résidentiel-tertiaire, qui participent le plus au rejet de GES dans l’atmosphère. Réduire les émissions de ces deux secteurs nécessiterait une prise en compte des procédés mais aussi des évolutions de comportement.
En comparant les émissions de CO2 évaluées pour 2050, par pays ou regroupement de pays, à partir de deux scénarios, l’un dit ? maximum ? (forte croissance, utilisation minimale du nucléaire et maximale du charbon) et l’autre, établi d’après les objectifs du protocole de Kyoto, on remarque :
 la faible différence du pourcentage d’émissions comparé au total mondial entre l’hypothèse de Kyoto et le scénario ? maximum ? de 2050 pour les pays développés ; c’est pourquoi les USA ont refusé de signer le protocole ;
 la difficulté pour les Pays en Voie de Développement de réduire leurs émissions tout en poursuivant leur développement économique.
Ces deux constats peuvent contribuer à expliquer le désaccord autour du protocole de Kyoto.

En revanche, si l’on compare ces estimations envisagées pour 2050 en terme de quantité de CO2 émis, on s’aperçoit que la ratification du protocole de Kyoto permettrait de réduire considérablement ces émissions.

Effet de serre et maîtrise de l’énergie dans la Région Nord-Pas-de-Calais

M. Jérôme DANCOISNE - M. Jean-Luc BRULIN Ingénieurs ADEME

M. Jean-Luc BRULIN, ingénieur ADEME, rappelle que l’ADEME est un établissement public national, dépendant des Ministères de la Recherche, des Industries et de l’Environnement, qui désormais lui versent directement son budget.
L’ADEME dispose de :
 Fonds propres,
 Fonds Régionaux d’Aide à la Maîtrise de l’Energie et à l’Environnement (FRAMEE) inscrits au contrat de plan Etat-Région,
 Fonds Européens de Développement Régionalisé (FEDER) dont elle a la gestion.
Il précise que pour bénéficier de subventions, les demandes doivent êtres effectuées avant la réalisation du projet. En effet, l’ADEME n’a pas de pouvoir réglementaire, son travail est avant tout d’informer et d’encourager les initiatives.

L’ADEME a cinq thématiques de travail, qui peuvent toutes être liées à l’effet de serre :
 la maîtrise de l’énergie : utilisation rationnelle de l’énergie, valorisation des ressources locales ;
 la maîtrise des déchets : prévention, gestion, valorisation et traitement ;
 la qualité de l’air et des transports ;
 sites et sols pollués ;
 observations et management environnemental : observation, communication, actions de soutien.

Elle constitue aussi des listes d’adresses référencées : bureaux d’études techniques, consultants, centres techniques, organismes de contrôle ?

M. Jérôme DANCOISNE, ingénieur ADEME, précise que son intervention porte sur l’aspect régional du cas du transport en entreprise.
Il rappelle que le transport représente 35% de la consommation énergétique nationale et 60% des importations de pétrole.
L’idée retenue est que l’entreprise peut avoir un rôle important sur la mobilité des hommes et des marchandises, sachant notamment que le motif principal de déplacement est le déplacement professionnel.
Pour ce faire, les objectifs retenus, en partenariat avec le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, sont :
 développer les transports collectifs ou l’utilisation des modes de transport doux (plans de mobilité’) ;
 développer le fret en vue du doublement du trafic ( transport combiné, terminaux embranchés’) ;
 développer l’utilisation de la voie d’eau.

DISCUSSION

Mme Blanche CASTELAIN, administrateur de la Fédération Nord Nature, explique que malgré le souhait de développer le transport combiné depuis plusieurs années, la voiture reste le mode de transport privilégié. Elle demande un état de la situation actuelle.
 > M. Jérôme DANCOISNE assure que de nombreuses entreprises ne veulent plus dépendre uniquement de la route mais sont confrontées à des problèmes de mise en ’uvre, tant financier que pour refondre leur logistique interne. Il rappelle que le transport combiné rail-route est en cours de développement, même si cela n’est pas toujours visible et que le transport par voie fluviale est souvent plus économique que la route.
 > M. Jean-Pierre CORBISEZ précise que des projets sont en cours d’élaboration et que les Plans de Déplacement Urbains ont été mis en place pour faciliter l’utilisation des moyens de transport alternatifs. Il rappelle aussi que la région Nord-Pas-de-Calais est une zone de passage internationale. Il ajoute que la SNCF a choisi de privilégier le transport de voyageur plutôt que le fret. Le cas du transport de marchandises est délicat en raison du pôle formé par la Hollande et l’Allemagne pour le fret ferroviaire et le développement d’autres modes, les voies fluviales par exemple, engendrerait de lourds investissements. Il s’interroge sur la création de couloirs ferroviaires spécifiques au transport routier.

M. Etienne WARKOCZ, Conseiller de l’Association Chlorophylle Environnement, constate que les tarifs autoroutiers pour poids lourds sont faibles et qu’ils n’incitent donc pas à l’utilisation d’autres modes de transport. On constate ainsi que les poids lourds représentent 20% des véhicules circulant sur l’autoroute A1.

M. Michel THOMAS, Président du G.I.Q.A.E. d’Artois, relève que la SNCF a supprimé les voies d’embranchements dont disposaient autrefois les industries, ce qui a contribué au développement du transport routier.
 > M. Jérôme DANCOISNE précise que ces embranchements étaient des concessions de la SNCF aux industries. Il ajoute que la SNCF met en place une démarche qualité pour le fret et que le transport combiné sur longue distance est désormais garanti sur quelques voies.

M. Jean-Philippe CARUETTE souligne que le potentiel de la co-génération en France est important et que si l’investissement parait élevé, le gain énergétique n’est pas négligeable. Il précise que, pour un équilibre ? co-génération ? alimentation EDF ’, il est possible de passer d’un rendement de 30% ( pour une alimentation par une centrale thermique) à 90% environ, notamment grâce à un système de contrat permettant l’achat des besoins en énergie lorsqu’elle fait défaut ou la revente de l’excédent.
 > M. Jean-Luc BRULIN réaffirme le soutien de l’ADEME pour les petites opérations de co-génération mais indique qu’elle n’a pas les fonds nécessaires pour des opérations de grande envergure. Il remarque que cette année, avec l’augmentation du prix du gaz, certaines co-générations n’ont pu fonctionner pour cause de rentabilité. Il rappelle que l’ADEME peut aussi soutenir les initiatives axées sur le bio-gaz ou même les déchets propres de bois, plus rares dans le Nord-Pas-de-Calais.
Il note que la Communauté Européenne souhaite que, pour 2010, l’énergie renouvelable permette de produire 21 % de l’électricité.

M. Blanche CASTELAIN souhaite des précisions sur la situation de la filière bois dans la région Nord-Pas-de-Calais.
 > M. Jean-Luc BRULIN explique que les métiers du bois tels que la menuiserie produisent des déchets pouvant être utilisés comme combustibles. Il cite l’exemple de l’entreprise SELVA à Seclin qui met en place un système de traçabilité de ces déchets pour leur réutilisation ou encore celui du lycée H.Q.E. de Calais qui utilise une chaudière à bois.

M. Blanche CASTELAIN s’interroge alors sur le devenir des taillis à très courte rotation.
 > M. Jean-Luc BRULIN confirme que ce procédé reste fonctionnel mais que sa mise en ’uvre est plus délicate puisqu’il nécessite une phase de séchage ou l’utilisation d’une chaudière adaptée à leur humidité.

M. Jacques PATRIS, Conseiller Municipal d’Arras, Vice-Président du Comité Technique Air, soulève le problème de transport de ce bois, consommateur en énergie.
 > M. Jérôme DANCOISNE rappelle que l’ADEME a aussi pour objectif la valorisation des potentiels énergétiques dans laquelle s’inscrit cette filière bois.
 > M. Jean-Luc BRULIN souligne que le lycée de Calaisétait volontaire et qu’une des missions de l’ADEME est d’encourager les projets. Il ajoute que cette filière s’est révélée moins coûteuse que prévue et à peine plus qu’une chaudière traditionnelle.

M. Jacques PATRIS cite l’exemple d’un lycée au c’ur d’Arras qui souhaitait remplacer une ancienne chaudière au charbon par une chaudière à bois. Il précise que ce projet a été abandonné en raison du nombre de rotations de camions nécessaires à l’alimentation de la chaudière et du trafic qui en résulte en centre-ville.
 > M. Jean-Luc BRULIN indique que, pour cet exemple, un réseau de chaleur associé à une chaufferie, excentrée de la ville et proche d’une voie ferrée, aurait pu être envisagé.

M. Bernard DUHOUX s’interroge sur l’émission possible d’autres gaz liés à la combustion du bois et par conséquent sur les qualités écologiques réelles du combustible bois. Il indique l’exemple des feux de cheminée et des barbecues.
 > M. Jean-Luc BRULIN répond que le bois utilisé ne doit pas être du bois traité et insiste sur la nécessité d’instaurer un système de traçabilité du bois.
 >M. Raphaël LLUCH rappelle que le combustible bois présente un intérêt puisqu’il est renouvelable.
 > M. Jean-Philippe CARUETTE précise qu’une utilisation élevée de bois en tant que combustible nécessiterait un traitement des émissions relativement important.

M. Bernard DUHOUX se demande si la multiplication des équipements automobiles pourrait réduire à néant les bénéfices gagnés sur les émissions de plomb et les précédentes réductions de consommation.
 > M. Jean-Philippe CARUETTE explique que les constructeurs doivent justement réussir, à l’aide de substituts, à compenser ou diminuer ces besoins supplémentaires en énergie. Il indique que les constructeurs se sont engagés au niveau européen à réduire les niveaux d’émission de CO2 à 140g/km (pour environs 170g/km actuellement). Une directive européenne leur impose d’en assurer le contrôle par des systèmes internes à l’automobile afin d’équilibrer, par une meilleure gestion des énergies, le surcroît de besoin énergétique lié aux nouveaux équipements.
Il constate qu’une modification des comportements serait peut-être nécessaire, à savoir adapter sa voiture à ses besoins réels.
 > M. Jérôme DANCOISNE souligne qu’une étude du Ministère de l’Equipement montre que les engagements des constructeurs automobiles pourraient permettre de réduire les émissions de GES, excepté pour le CO2 et les particules.

M. Jacques PATRIS précise que les émissions de particules ainsi que leurs effets sur la santé restent méconnus.
Constatant les effets du réchauffement de la planète sur le monde parasitaire, il suggère d’organiser, une Commission Technique sur l’influence que peut avoir l’effet de serre sur la santé, véritable enjeu de santé publique.

M. Jean-Pierre CORBISEZ remercie les intervenants et l’ensemble des participants.

Comptes-rendus