Problématique de l’eau potable dans le bassin minier Bethune

Problématique de l’eau potable
dans le bassin minier

Didier HIEL, maire de Vendin-le-Vieil

Dans le cadre de la commission sites et sols, une réunion a déjà été organisée afin d’étudier la requalification des friches, et en particulier celles de l’ancienne centrale électrique, de la cokerie et du lavoir.
L’agglomération de Lens-Liévin fait partie des premières à avoir demandé l’installation d’unités de dénitratation provisoires en raison de problèmes de nitrates majeurs dans le bassin minier. La première unité a été installée à Liévin environ un mois avant la réunion. Deux autres ont été inaugurées une semaine avant la réunion (dont celle de Vendin-le-Vieil, dont la visite est prévue à la suite de la réunion).
Vendin-le-Vieil est soumise à la pollution des eaux à cause de l’ancienne exploitation des houillères et d’une très forte exploitation agricole. Le remembrement a permis de récupérer les terrains autour des deux châteaux d’eau : à cet endroit, il n’y aura pas de constructions engendrant des pollutions de la nappe. En accord avec la Compagnie générale des eaux (CGE), nous devrions réaliser des plantations sur ce site. L’objectif est d’éviter l’exploitation agricole et de maintenir un forage de qualité.
La ville de Vendin-le-Vieil couvre 1 100 hectares (surface équivalente à celle de la ville de Lens). Elle compte 7 000 habitants. L’exploitation charbonnière y était très importante. Toutes ces exploitations ont été requalifiées et sont surveillées par la Direction régionale de la recherche, de l’industrie et de l’environnement (DRIRE). Je remercie aussi la CGE et la Mission inter-services de l’eau (MISE).
Ce projet est sous contrôle de la communauté d’agglomérations de Lens-Liévin, l’une des plus grosses après la communauté urbaine de Lille (270 000 habitants). Des problèmes d’alimentation en eau potable se posent pour 95% d’entre eux. Une tractation est en cours avec le Béthunois, qui ne veut pas toujours donner de l’eau, d’où l’installation des différentes unités de dénitratation.

Etat des lieux de la qualité physico-chimique de la ressource en eau

Daniel BERNARD Chef de mission eau potable à l’Agence de l’eau Artois-Picardie

La nappe de la craie alimente en eau potable le bassin minier et une grande partie du bassin Artois-Picardie.
1. Intérêt de la nappe de la craie

La carte est construite avec les points de captage d’eau potable, les points de mesure où les prélèvements sont réalisés (piézomètres), etc. La tache rouge correspond à une zone contaminée en nitrates à des teneurs supérieures à 50 mg/L.
Les teneurs en nitrates sont fortes dans les zones où la population est importante. Les nitrates ont plusieurs origines : l’agriculture, l’industrie et l’urbain (très générateurs d’azote). Dans les secteurs urbains, les trois effets se superposent souvent. C’est pourquoi dans les secteurs où la nappe est vulnérable, les teneurs en nitrates sont élevées. Les teneurs peuvent dépasser les 100 mg/L pour certains captages.
Au nord (en blanc sur la carte), la nappe de la craie est captive, c’est-à-dire qu’elle est protégée par un manteau argileux. Ce dernier provoque une désoxygénation de l’eau et une dénitrification naturelle : en présence de carbone, les bactéries présentes dans le sous-sol dégradent les nitrates en azote gazeux. Celui-ci se disperse, et les teneurs chutent. Dans cette zone, les teneurs en nitrates avoisinent 1 à 2 mg/L. La plupart des champs captant alimentant la région du Nord ? Pas de Calais sont implantés dans de telles conditions de nappes captives : 40% des eaux alimentant la région proviennent de ce secteur.

2. La communauté d’agglomération du bassin minier en 1976

La carte suivante représente la communauté d’agglomération du bassin minier. Le secteur de Lens et celui de Béthune sont visibles : ils se trouvent dans les mêmes conditions hydrogéologiques. La carte concerne les teneurs observées en 1976. Cette année-là, des analyses sur les captages avaient déjà été réalisées, et les résultats sont présents dans la base de données de l’Agence.

Au nord, des points présentent des teneurs inférieures à 10 mg/L. Le secteur de Lens montre des teneurs en nitrates importantes, l’activité humaine y est forte. Les teneurs sont souvent supérieures à 50, voire 100 mg/L. Le secteur de Béthune n’est pas épargné : des points montrent des teneurs qui évoluent autour de 20, 40 ou 45 mg/L. Une teneur naturelle avoisine les 10 mg/L. Tous les points dont la teneur est au dessus de 10 mg/L sont le signe de la présence de l’activité humaine.

3. Dégradation globale de la situation en 2002

La carte suivante représente le même contour géographique, mais avec des analyses provenant d’une campagne de mesure de l’année 2002 (évolution de près de 30 ans). Les points de mesure sont un peu plus nombreux.

Globalement, les résultats sont les mêmes pour la répartition des teneurs. Pour Lens, des points de mesure dépassent les 50, et même les 100 mg/L. Dans le secteur de Béthune, certains points se dégraden. Peu de différences sont flagrantes entre 1976 et 2002, sauf pour le secteur de Béthune.

J’ai donc réalisé des graphiques d’évolution pour des points de mesure particuliers, significatifs.
Le premier concerne Annezin, captage de Béthune. Les teneurs en nitrates observées sont largement inférieures à 50 (aux alentours de 10 mg/L) : l’eau est donc de bonne qualité au regard de la réglementation. Cependant, l’étude du graphique révèle qu’entre 1978 et 2002, les valeurs oscillent entre 6 mg/L et 10 mg/L.
Le deuxième graphique concerne Beuvry. Les teneurs oscillent autour de 50 mg/L : elles étaient de 40 en 1978 et sont à 70 en 2002. La dégradation est visible mais l’évolution peut être variable : en 1978, les teneurs pouvaient passer de 30 à 70 mg/L en quelques mois, et inversement. La nappe est très vulnérable et les évènements en surface sont directement mesurables.
Le troisième graphique concerne aussi un secteur difficile : Lens. Les teneurs oscillaient autour de 70 mg/L en 1975 et se retrouvent à 90 mg/L en 2001. En 1987, les 90 mg/L on même été dépassés. La dégradation globale présente des oscillations régulières.
Le graphique d’Eleu Dit Leuwete est le plus défavorable. Ces captages sont maintenant abandonnés, même s’ils continuent à être observés. Les teneurs de 100 mg/L sont observées depuis 1987.
Le dernier graphique est celui de Chocques, où les teneurs sont assez variables : autour de 6 mg/L, avec des pointes supérieures à 10 mg/L. Le recul est intéressant, car les mesures remontent à 1975. Le captage est sensible aux variations de piézométries (attitude de la nappe) : la différenciation de comportement physico-chimique des nitrates peut se faire sentir (dégradation ou persistance).

4. Des captages qui font partie du réseau patrimonial de mesures

Les données disponibles dans la base de données de l’Agence de l’eau ont permis de réaliser ces observations. Les captages d’eau potable et les points de mesure ont été établis spécialement et ils font maintenant partie du réseau patrimonial de mesures. Ce sont des points généralistes, et non des points de mesure situés près de points noirs, où les difficultés sont certaines.
Des pesticides sont également présents, ils sont souvent liés aux nitrates. La mesure de ces pesticides est réalisée depuis qu’ils sont présents dans l’eau. En revanche, les analyses ne mettent pas en évidence de polluants plus " graves " (hydrocarbures ou métaux lourds). Mais encore une fois ces points de mesure sont généralistes.

Présentation de la qualité sanitaire de l’eau distribuée dans le bassin minier

Stéphane RIBREUX Ingénieur sanitaire de la DDASS du Pas de Calais

Les habitants du bassin minier consomment souvent de l’eau de mauvaise qualité chimique en raison de fortes teneurs en nitrates et aux pesticides (la norme de 0,1 ’g/L est parfois dépassée).

1. Des ressources en eau limitées et de mauvaise qualité

Les ressources nécessaires à la production en eau potable sont limitées en quantité dans plusieurs secteurs, soit parce que certains forages sont peu productifs, soit parce que leur qualité en eau brute est trop mauvaise, soit parce qu’ils ne peuvent pas être protégés et doivent être abandonnés à terme. Les deux paramètres les plus déclassants de la qualité chimique sont les nitrates et les pesticides.

1.1. Les nitrates : une situation préoccupante

La carte présente les teneurs moyennes en nitrates pour l’année 2002. La norme maximale est fixée à 50 mg/L. Un secteur est défavorisé pour ces teneurs en nitrates : il s’agit essentiellement de la communauté d’agglomérations de Lens-Liévin où, pour certaines communes, la teneur frôle parfois la limite des 100 mg/L de nitrates, pour laquelle l’eau distribuée serait déclarée non potable pour toute la population.

Les teneurs de certains forages atteignent 130 mg/L. Certains secteurs extérieurs à celui de la communauté d’agglomération de Lens-Liévin présentent également des teneurs inquiétantes (40 à 50 mg/L). Cette augmentation signifie qu’au cours de l’année 2002, un dépassement de la norme des 50 mg/L a pu avoir lieu.
Les autres secteurs (en vert, sur la carte), dont les teneurs moyennes varient entre 25 et
40 mg/L, sont également inquiétants. La teneur naturelle d’une ressource se situe entre 5 et 15 mg/L. Ces ressources sont déjà largement touchées par la pollution diffuse occasionnée par les nitrates.

1.2. Les pesticides : un risque à long terme

Sur la deuxième carte, la situation est moins alarmante, mais elle est tout de même préoccupante. Plusieurs secteurs présentent des teneurs supérieures à la norme de 0,1 ’g/L voire même supérieures à 0,4 ’g/L. Cette carte indique des valeurs maximales sur 5 ans. L’eau ne contient donc pas en permanence cette teneur en pesticides.
Les concentrations dans les eaux de ces produits chimiques varient considérablement selon la période du prélèvement. La molécule la plus souvent retrouvée est l’athrazine (produit de dégradation). Ce n’est donc pas un produit inoffensif pour l’environnement, il ne se dégrade pas totalement (contrairement à ce que peut laisser supposer la publicité à la télévision). Il est présent dans certaines ressources superficielles, et même souterraines profondes.

Chaque acteur est plus ou moins responsable de la présence de ces pesticides dans les eaux : les agriculteurs, les grandes institutions, la Direction départementale de l’équipement (DDE), la Société des autoroutes du nord et de l’est de la France (SANEF), la SNCF, les collectivités et les particuliers. Les utilisateurs de ces produits contribuent à leur présence dans les ressources.
Ces molécules chimiques, aux doses auxquelles on les retrouve dans les eaux, ne présentent pas un risque immédiat pour la santé. Personne ne sera malade si une eau contenant plus 0,1’g/L de pesticides est consommée. Cependant le risque existe pour une consommation tout au long d’une vie, notamment pour les femmes enceintes, pour leur f’tus et pour les nourrissons.
Le Conseil supérieur de l’hygiène publique de France (CSHPF) a émis un avis, en accord avec les recommandations de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). Il stipule que l’eau reste consommable pour toute la population jusqu’à une concentration totale en triazine de 0,4 ’g/L. Si cette concentration est comprise en 0,4 et
0,6 ’g/L, l’eau ne doit pas être consommée par les femmes enceintes et les nourrissons. Si elle est comprise entre 0,6 et 2 ’g/L, elle ne doit pas être consommée par les personnes citées précédemment, ni par les enfants de moins de 6 ans. Au dessus de 2 ’g/L, l’eau ne doit être consommée par personne. Pour le secteur concerné, aucun dépassement de cette teneur n’a encore eu lieu, ce qui n’est pas le cas pour d’autres secteurs du département.

2. Les projets d’amélioration

Afin de rétablir une situation plus conforme pour les teneurs élevées en nitrates, notamment pour les communes de la CALL, un dispositif d’urgence a été mis en place pour une durée de 5 ans. Son objectif premier est que fin 2003, toutes les communes de la CALL soient alimentées par une eau contenant moins de 50 mg/L en nitrates. Des unités de traitements pour éliminer les nitrates seront installées sur les forages les plus pollués. Trois unités sont déjà en fonctionnement. Ces installations se poursuivront jusque fin 2003 et seront provisoires.
En accompagnement de ces traitements, une surveillance renforcée des paramètres micro polluants dangereux pour la santé sera mise en place. Une protection sera mise en place autour des forages concernés. Au cours des 5 ans, des restructurations des réseaux, avec interconnexion avec d’autres ressources, seront réalisées. A chaque étape, des forages trop pollués seront abandonnés et fermés définitivement.

3. Les paramètres plus positifs

3.1. Le fluor

L’un des paramètres de bonne qualité est le fluor, élément nécessaire à la fortification osseuse et la à la solidité des dents.
Les communes dont les teneurs en fluor sont satisfaisantes (entre 0 et 0,5 mg/L) peuvent complémenter par des apports en sels fluorés ou par des comprimés fluorés. Pour les communes dont l’eau a une teneur comprise entre 0,5 et 1,5 mg/L, les apports complémentaires en fluor sont inutiles. En revanche, pour Saint-Venant, où les teneurs sont supérieurs à 1,5 mg/L en fluor, les compléments fluorés sont à proscrire : ils pourraient entraîner des désagréments sur la santé (notamment les tâches sur les dents) et jouer un rôle dans l’ostéoporose.

3.2. Les paramètres microbiologiques

Pour les paramètres microbiologiques, une carte a été établie sur des pourcentages de non-conformité pour l’année 2002, uniquement pour des germes témoins d’une contamination fécale (Escherichia Coli et entérocoques fécaux).
Quelques communes présentent encore des non-conformités sur ce point, plutôt dans les secteurs ruraux. Depuis trois ans, la non-conformité microbiologique a disparu dans les secteurs fortement urbanisés.
Ces non-conformités s’expliquent soit par l’absence d’un système de désinfection automatique de l’eau avant sa distribution, soit par un mauvais fonctionnement de ces installations.

Les effets peuvent être immédiats pour la santé du consommateur. Ces germes sont les témoins d’une contamination fécale et ne sont pas pathogènes en eux mêmes. Mais ils peuvent indiquer la présence d’autres germes qui eux sont pathogènes (virus, salmonelles ou parasites intestinaux). Dès que la DDASS constate une pollution d’origine fécale, elle recommande à la population de ne pas consommer l’eau du réseau public par mesure de précaution.

3.3. La dureté de l’eau

Un dernier paramètre concerne la dureté de l’eau, la concentration de l’eau en calcium et en magnésium. Ce paramètre ne présente aucun risque pour la santé, mais peut entraîner des désagréments de confort, tels que l’entartrage des canalisations ou des appareils ménagers. Les eaux distribuées dans le secteur sont classées comme dures ou très dures (entre 30 et
40 ’F de dureté).

4. Les moyens à mettre en ’uvre pour économiser l’eau

Le rendement des réseaux publics peut être amélioré par les recherches et la suppression des fuites. Chacun peut agir en faisant des économies : les industriels (cette démarche a été engagée depuis de nombreuses années), les collectivités (en utilisant une autre eau que celle des réseaux pour l’arrosage des espaces verts ou pour le lavage des chaussées) et les particuliers (en éliminant les fuites et en rationalisant l’utilisation de l’eau).

La récupération et l’utilisation des eaux de pluie pour des usages non nobles de l’eau doivent aussi être envisagées à condition de respecter la réglementation en vigueur. Cependant, toutes les eaux ne provenant pas du réseau public sont considérées comme non potables. Des précautions doivent donc être prises :
 la mise en place d’un traitement minimum de cette eau de pluie (dégrillage et filtration)
 les connexions directes avec le réseau public d’eau potable doivent être évitées, même à l’intérieur de l’habitation
 la mise en place de clapets anti-retour ou de disconnecteurs
 les tuyauteries alimentées par l’eau de pluie doivent être d’une couleur différente de celle du circuit d’eau potable (généralement bleu pour l’eau froide et rouge pour l’eau chaude). Une couleur possible est l’alternance du jaune et du vert
 les points alimentés par cette eau doivent comporter un écriteau : " eau non potable "
 les utilisations de cette eau doivent se limiter aux usages suivants : arrosage des jardins, lavage des sols et des véhicules, remplissage des chasse d’eau des toilettes et éventuellement lavage du linge
 les robinets ne doivent pas être accessibles aux enfants : ils doivent être placés à une hauteur suffisante ou être munis d’une clé pour les faire fonctionner
 un entretien régulier des installations de stockage, de traitement et de distribution est indispensable

Un exemple est en cours de validation par la DDASS du Pas de Calais. Il concerne la mise en place de la récupération de l’eau de pluie et son utilisation dans une habitation individuelle. Deux aspects sont primordiaux. La non interconnexion entre le réseau public et le réseau eau de pluie par la mise en place d’un disconnecteur. Et la réalimentation par surverse à partir du réseau public, sans contact direct avec la gouttière d’évacuation de l’eau de pluie. Ainsi l’installation fonctionne même par temps sec. Ces installations doivent faire l’objet d’une déclaration aux autorités sanitaires (la DDASS) sur un imprimé type en cours de validation dans les services de la DDASS, et présenté dans les documents remis en séance.

Programmes d’actions eau potable des collectivités

Arnaud BRIZAY Chef de la Mission inter-services de l’eau du Pas de Calais

1. Les différentes compétences " eau potable " et leur exercice

L’eau potable est une compétence facultative des communes : dans le Pas de Calais, une commune ne maîtrise pas toujours pas la distribution d’eau potable. Les communes peuvent la déléguer à une structure intercommunale (du type communauté de communes, communauté d’agglomération, syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU), Syndicat intercommunal à vocations multiples (SIVOM)’).
Cette compétence est exercée en régie, déléguée ou concédée auprès d’un prestataire privé. Elle est souvent scindée entre la production (pour les captages et le traitement de l’eau potable) et la distribution (gestion des réseaux), d’où une certaine complexité administrative.
La carte des différents opérateurs de distribution de l’eau est complexe. La CALL, la communauté d’Hénin-Carvin, le SIVOM du Béthunois, le SABALFA et le SACRA y sont visibles. Les communes signalées en blanc sur la carte sont rattachées de manière plus ou moins formelle ou officielle à d’autres collectivités plus grandes, ou sont indépendantes.
2. Les différents aspects d’un programme " eau potable "

2.1. La protection de la ressource

Le prélèvement et la protection de la ressource comportent plusieurs critères qu’une collectivité doit prendre en compte dans son programme eau potable. Tout d’abord, les forages et la chambre de captage doivent être réalisés selon les règles de l’art, ainsi que l’entretien de ces installations (les chambres de captage sont souvent en très mauvais état).
Le deuxième aspect concerne la réalisation et l’entretien des systèmes de traitement (essentiellement dédiés à la désinfection). L’installation des périmètres de protection permet de mettre en place les protections réglementaires : là aussi, le Pas de Calais est en retard. Ce retard correspond à la moyenne nationale, néanmoins un tiers seulement des forages du département sont protégés.
Une fois cette protection mise en place, le but est de réaliser le suivi des prescriptions et de mettre en ’uvre les mesures d’accompagnement définies dans un arrêté, notamment sur la sécurisation des ressources, la disparition des sources ponctuelles, la mise en place de l’assainissement (qui fait souvent défaut dans les zones rurales).

2.2. L’entretien des ouvrages

La collectivité est également chargée de la surveillance, soit elle-même, soit par l’intermédiaire de son prestataire, de la chambre de captage, des pompes, de la désinfection et aussi de la surveillance globale. A chaque fois qu’un périmètre de protection est mis en place, une alarme anti intrusion doit être installée pour prévenir tout acte de vandalisme.
Enfin, lorsque la ressource d’une collectivité est non protégeable, il convient de pouvoir exploiter des ressources alternatives. Cette recherche implique de prendre les devants : trop de collectivités ont une ressource de mauvaise qualité et ont tardé à chercher d’autres solutions.

La mise en place des réseaux de distribution est achevée presque partout. La recherche de fuites et les programmes de mise à niveau doivent permettre d’assurer leur entretien : les rendement de certains réseaux sont encore faibles (40% pour certains : plus de la moitié de l’eau pompée envoyée dans le réseau se retrouve directement dans la nappe). Ces rendements ne sont pas inquiétants pour la pollution, mais ils le sont pour l’économie et l’utilisation de la ressource.
La réalisation et l’entretien des ouvrages connexes (réservoirs, surpresseurs, ’) sont aussi concernés. Après un tour des collectivités, les observateurs ont noté que certains réservoirs ont été oubliés et que l’eau passe parfois à travers les tôles rouillées des toits des châteaux d’eau.

2.3. La surveillance de la qualité et l’information

Le dernier aspect porte sur la surveillance de la qualité et l’information des consommateurs. Un suivi réglementaire est réalisé par les services de la DDASS. Les collectivités ou leurs prestataires doivent prévoir des autocontrôles complémentaires pour les grosses installations, car les contrôles réglementaires ne permettent pas de détecter tous les problèmes.
Peu de maires connaissent l’obligation d’information du consommateur : ils sont tenus d’afficher en mairie les résultats des analyses et de transmettre les conclusions sanitaires annuelles transmis par la DDASS (via les factures ou tout autre moyen). Dans le bassin minier, ce travail était bien fait, car les relations directes entre la DDASS et la Compagnie générale des eaux (CGE) sont bonnes. La situation est plus difficile dans d’autres secteurs du Pas de Calais.

3. Bilan des procédures de protection par collectivité

La collectivité est en relation avec l’Etat pour la protection réglementaire des captages d’eau potable. La presse a souvent annoncé que l’objectif dans le Pas de Calais était d’achever l’instauration des périmètres de protection pour fin 2004. Des moyens ont été dégagés à cette fin : un ingénieur a été affecté à plein temps pour cette procédure puis l’Agence de l’Eau a financé une assistance administrative à hauteur de deux millions de francs sur trois ans. Un comité de suivi des procédures a aussi été mis en place, et une standardisation des prescriptions a été engagée.
Le nombre d’enquêtes publiques réalisées en 2002 (première année de fonctionnement de ce nouveau dispositif) a été multiplié par 10 par rapport à la moyenne des années précédentes. Ainsi, 56 enquêtes publiques et 40 rapports de fin de consultation administrative ont été réalisés, une douzaine d’enquêtes de Déclaration d’utilité publique (DUP) ont été signées.
Les moyens ont été pris du côté de l’Etat pour essayer d’éliminer le goulot d’étranglement qui supprimait ces services. Certaines collectivités ou certains bureaux d’études ont du mal à suivre la nouvelle cadence.

L’instauration des périmètres de protection commence par une consultation administrative : sur la base d’un dossier, les différentes collectivités, les communes et les services de l’Etat sont consultés sur les éléments techniques. Ils décident s’il est opportun ou non de continuer la procédure. Si c’est le cas, celle-ci se poursuit par trois enquêtes publiques conjointes : l’une pour l’instauration des périmètres de protection, une autre qui relève du code de la santé publique (utilisation de l’eau pour la consommation humaine). La troisième est l’enquête parcellaire, qui permet de déterminer les parcelles concernées.
Une fois les enquêtes publiques réalisées, le commissaire enquêteur rend son avis et les services de l’Etat (la DDASS ici) présentent un rapport au Conseil départemental d’hygiène (CDH) et au CSHPF. Ce programme a été validé par le CDH en juin 2002, sur un dossier de principe, puis sur un dossier précis en janvier 2003. Le dossier est en cours d’instruction au CSHPF.

Pour le captage de Violaines-Givenchy-les-la-Bassée, un arrêté de DUP a été pris le 29 novembre 2002 et un quatrième forage est en cours de réalisation. Son rôle est d’alimenter tout un secteur aujourd’hui autonome (captage regroupant les communes de Sailly la Bourse, Annequin, Cambrin, Haisne les la Bassée, Auchy les Mines et Vermelles).

4. Bilan des autres actions de la MISE dans le domaine de l’eau potable.

Au-delà des périmètres de protection, la MISE a mis en place d’autres actions, notamment à l’aide de la DDASS. Un courrier de rappel du devoir d’information aux maires a été envoyé en juillet 2002. Ce courrier rappelle aux maires leurs obligations d’affichage et de transmission des informations sanitaires.
Pour chaque collectivité distribuant une eau dépassant les 50 mg/L de nitrates et 0,2 ’g/l de pesticides, des arrêtés de mise en demeure ont été envoyés en juillet. Un retour sur ces arrêtés a eu lieu. Les collectivités doivent agir rapidement et des verbalisations pourraient être engagées à terme si rien ne se faisait.
Le CDH a aussi fait l’objet d’une présentation de la qualité de l’eau pour satisfaire la transparence demandée par le préfet. Lors de ce CDH, un accord a été conclu sur les mesures proposées par la MISE, notamment sur le projet de la communauté urbaine d’Arras qui bénéficie aussi d’une dénitratation.
Enfin, la DDASS a organisé une réunion d’information le 5 novembre 2002 : les maires et les distributeurs ont pu mieux découvrir la nouvelle réglementation et le plan Vigipirate renforcé.

Echanges avec la salle

Blanche CASTELAIN (vice-présidente de Nord nature)
Quelle est la liste des unités de dénitratation installées et des captages les plus pollués dont la fermeture est envisagée ?

Stéphane RIBREUX
Le plan d’action du bassin minier est prévu sur cinq ans. Le traitement de dénitratation peut être renouvelé deux fois pour trois ans, soit une période de neuf ans au maximum. Cependant, dans cinq ans, le plan d’action prévoit la fermeture des ouvrages les plus pollués. Cela concerne notamment Eleu-dit-Lewette, la fosse 7 de Wingles et la fosse 14 de Lens.

Daniel BERNARD
Actuellement, 40% de l’eau potable du Nord ? Pas de Calais provient du secteur des nappes captives de la craie. Ce secteur est très privilégié, car une zone argileuse s’oppose aux percolations verticales : toute l’eau arrive donc horizontalement. Durant ce périple, elle peut perdre les éventuels nitrates qu’elle contient. Les captages de ce secteur sont d’ailleurs tout juste en aval du secteur de Lens.
Ces champs captants sont dits irremplaçables. Si d’autres éléments que les nitrates (pour lesquels il existe cette épuration naturelle) étaient présents, cela voudrait dire que la pollution a pénétré dans le sous-sol. Or, si elle y pénètre, elle n’en sort plus. Une molécule d’eau met environ une vingtaine d’années à pénétrer dans le sous-sol et à arriver à la nappe. Elle migre ensuite horizontalement vers la zone saturée où sont situés les captages.

Les périmètres de protection sont des mesures administratives qui ne visent que les pollutions dites ponctuelles. Ils procurent une existence administrative aux captages. Lorsqu’un grand chantier de travaux publics passe à côté du captage (TGV), la collectivité est indemnisée s’il faut remplacer un captage protégé. Si le captage n’est pas protégé, la collectivité ne sera pas indemnisée.
En revanche, ces périmètres ne protègent pas des pollutions diffuses (nitrates ’). Nous espérons que les pesticides ne feront pas partie de cette pollution, mais ce n’est pas encore certain. Pour protéger efficacement contre les nitrates, il faudrait prendre de grandes zones amont de captage. Ce projet est irréalisable pour les petits captages, car les financements liés à leur protection viennent de la facture d’eau (nombre de mètres cubes pompés). Seuls les grands champs captants génèrent suffisamment d’argent pour que la collectivité ait les moyens d’acheter des terrains pour les mesures.
La réservation des zones est plus complexe, car l’espèce humaine pollue depuis très longtemps. Maintenant, les zones où la nappe est proche du sol et où l’eau est de bonne qualité sont extrêmement rares : la population et l’activité humaine y sont particulièrement faibles.

Pour le bassin Artois-Picardie, l’exemple de certains secteurs dans la Somme est intéressant. Cependant, ces secteurs sont des vallées humides. Nous sommes donc confrontés au même problème : si l’eau est pompée, ces zones risquent d’être mises à mal. D’ailleurs, la Directive cadre pour l’eau (DCE) actuellement en transposition pour le droit français fait part de ce sujet.
Lorsque de l’eau souterraine sera pompée, il sera interdit de porter atteinte au milieu de surface. Une zone doit être trouvée puis valorisée. En droit français, les collectivités n’ont actuellement pas les moyens de le faire (même si un travail est fait pour les leur donner).
L’eau doit ensuite être acheminée. Les collectivités bénéficiant de l’eau vont souvent la chercher chez les autres, ce qui est interprété comme un pillage, ou comme un impérialisme d’une grande collectivité sur une petite. Certaines collectivités sont bloquées, car elles ne peuvent pas indemniser équitablement les collectivités chez qui elles vont chercher de l’eau (impossibilité financière et administrative). Là aussi, la facture d’eau finance ce genre de précautions (amélioration de l’aménagement, indemnité liée aux servitudes). Pour l’instant, les collectivités sont un peu démunies : des idées émergent et nous savons ce qu’il faut faire, mais nous rencontrons encore des difficultés administratives et financières pour y parvenir.

Didier HIEL
Le sujet de l’eau du Béthunois sollicitée par la CALL est très délicat. Cette eau lui appartient, mais il faut aussi savoir jouer la solidarité dans tous les domaines. Le bassin minier, pendant des années, a été présent pour relever la France. En particulier pour une partie moins riche du Pas de Calais.
Dans un pays où chacun a la même valeur, il n’est pas question que les uns aient une eau de bonne qualité et que d’autres meurent de soif, même si cette comparaison est exagérée. Mon point de vue est celui de l’ensemble des élus de la communauté d’agglomération et du président. Pour l’instant, tout le monde connaît le problème. Chacun essaie donc d’abord de traiter sa propre eau. Des unités de dénitratation ont donc été installées pour sauver les entreprises agroalimentaires (dans le cas contraire, elles seraient amenées à fermer), en attendant la suite.

Eric SEVETTE (membre de l’association " les 4 arbres ")
Que ce soit par besoin, par égoïsme ou pour toute autre raison, nous demandons simplement que si des pompages sont faits, ils le soient dans des conditions correctes pour tout le monde (pour les habitants du lieu et pour ceux qui vont recevoir l’eau). Les graphiques présentés montrent que la pollution est mesurée depuis 1978. Depuis 30 ans, rien n’est fait. Comment se fait-il qu’on veuille prendre soudainement l’eau de bonne qualité aux autres ?

Didier HIEL
Il n’est pas question de prendre toute l’eau dans le Béthunois. En tant que vice-président de la CALL, je connais bien le problème. Un accord a déjà été passé avec Hénin-Carvin pour un petit surplus d’eau potable. Il n’y a pas de raison que cela ne puisse pas être fait avec d’autres, mais toujours dans des conditions raisonnables. Actuellement, l’objectif de la CALL est d’essayer de résoudre le problème de l’eau sans faire appel à l’aide des autres. Mais si des compléments peuvent être apportés, ils sont les bienvenus.

Eric SEVETTE
Depuis le début de la séance, vous soulignez que dans beaucoup d’endroits, l’eau n’est pas conforme à la réglementation.

Stéphane RIBREUX
Ce problème a été pris en compte par le préfet du Pas de Calais. Il souhaite que fin 2003, tous les habitants de la CALL aient une eau conforme à la norme des 50 mg/L.

Paul MOUSTY (directeur du centre opérationnel de la CGE Artois)
Je voudrais préciser où en est la situation. Des stations ont été mises en route et d’autres le seront prochainement. Fin juillet, 80% de la population de la CALL aura une eau inférieure à 40 mg/L. Des actions sont donc menées et il est difficile d’aller plus vite.

Robert TROUVILLIEZ (secrétaire général de Nord nature)
La Communauté de Lens aurait pu intervenir il y a 30 ans déjà. Et les industries agroalimentaires pourraient très bien traiter l’eau elles mêmes avant de l’utiliser.

Blanche CASTELAIN
Il a été question précédemment de mélange d’eau, ainsi que de la fermeture du captage n’6 du forage d’Angres. Aurait-il été possible, il y a plus de 20 ans, de faire un effort pour protéger ce captage qui a toujours fourni une eau de bonne qualité en nitrates (autour de 30 mg/L), utilisée à des fins de mélange pour améliorer l’eau de mauvaise qualité d’autres captages ? Ne sommes nous pas vraiment passés à côté de la protection sur ce point ?

Stéphane RIBREUX
Je ne vais mettre personne en cause sur la pollution du forage d’Angres. Et il n’y a peut-être pas qu’un seul responsable : les nombreuses activités industrielles présentes dans ce secteur laissent penser que même si le forage avait été protégé et même s’il n’y avait pas eu d’industrie chimique à côté, il aurait peut être été tout de même pollué. Le risque pour tous les forages du bassin minier et de la CALL est dû aux nombreuses activités industrielles en place dans le passé. Les sols pollués sont nombreux et lorsque les nappes remontent dans les couches insaturées du sol, elles se chargent en micropolluants. Ce sont parfois aussi ces micropolluants, et donc pas seulement les nitrates, qui poussent à la fermeture de certains captages.

Daniel BERNARD
Le captage en question se situe effectivement dans une ancienne zone industrielle. Actuellement, les hydrogéologues agréés (les spécialistes qui donnent ou non, par le biais du préfet, l’autorisation de poursuivre l’exploitation) privilégient les zones rurales. Les agriculteurs ont peur des servitudes qui peuvent s’opposer à eux pour la culture.
Nous allons alors vers les zones rurales, où la probabilité que l’eau soit dégradée est la plus faible. L’origine de la pollution est connue dans ces zones. En revanche, dans les zones urbaines ou industrielles, nous ne savons pas à quoi nous attendre.
Le ministère de la Santé, par le biais de la réglementation, met en place le principe de précaution : se mettre à l’abri d’un risque est très insidieux, car il faut 20 ans pour que les eaux percolent et nous ne savons pas réellement ce qui percole. Nous ne savons donc pas ce qui se passe dans le sol. Nous constatons simplement, lorsque la qualité se dégrade, qu’il est trop tard.
Nous devons d’abord diversifier les ressources, puis appliquer des mesures de prévention et de précaution importantes. Nous allons au devant de difficultés, à la fois politiques et financières. Mais beaucoup d’efforts seront encore demandés aux agriculteurs.

Jacques GOHIER (président de l’Association pour la sauvegarde des puits artésiens)
Je voudrais reprendre les éléments remis en cause par Eric SEVETTE. En 1996, les forages à Choques et à Vendin allaient polluer complètement d’autres nappes. En effet, ces forages sont dans le courant de la rivière la Clarence, qui irrigue tout le sous-sol de la région. En amont de la Clarence se trouve toute une zone industrielle et donc des zones fortement polluées qui accélèrent la circulation d’eau souterraine et polluent. De nombreux forages présentent des pollutions ou permettent de prouver la présence de micropollutions à certains endroits. Certains de ces forages sont à proximité d’une décharge. Il faut laisser l’écoulement se faire tranquillement, sans donner d’à coups.

Jean PEPIN
Notre réunion concerne l’installation de la dénitrification. Nous avions vu lors de la dernière réunion que les volumes pressentis pour les transferts avaient été étudiés sur le plan de la faisabilité. Ce dossier reviendra sûrement, pour l’approche technique et la faisabilité. Nous devrons trouver un compromis pour satisfaire chacun.

Les documents, remis en séance, sont disponibles sur simple demande

SIGLES

AFSSA - Agence française de sécurité sanitaire des aliments
CALL - Communauté d’agglomérations de Lens-Liévin
CDH - Conseil départemental d’hygiène
CGE - Compagnie générale des eaux
CSHPF - Conseil supérieur de l’hygiène publique de France
DCE - Directive cadre pour l’eau
DDASS ? Direction départementale des affaires sanitaires et sociales
DDE - Direction départementale de l’équipement
DRIRE - Direction régionale de la recherche, de l’industrie et de l’environnement
DUP - Déclaration d’utilité publique
MISE - Mission inter-services de l’eau
SANEF - Société des autoroutes du nord et de l’est de la France
SIVOM - Syndicat intercommunal à vocations multiples
SIVU - Syndicat intercommunal à vocation unique

Comptes-rendus