La réhabilitation de la décharge interne de Mazinghem
Frédéric SAWKO Ingénieur
1. Situation de la décharge et réglementation
Le CET de Mazinghem est situé entre Isbergues et Norrent-Fontes (à une distance d’un peu plus de trois kilomètres du site d’Isbergues) sur 17 hectares. Les déchets enfouis sont des boues d’hydroxydes métalliques provenant de la station des bains d’acides usés. La capacité annuelle était de l’ordre de 35 000 tonnes par an en moyenne. Les activités du site ont démarré en 1968.
Deux arrêtés d’autorisation forment le contexte réglementaire : l’un a été pris en décembre 1976, suite à la création des ICPE, et l’autre a été pris en mars 2000. Ces arrêtés comportent deux grandes parties. L’une est relative à l’exploitation et à la prévention (exploitation de la décharge en termes d’actions et de qualité de déchets et prévention des pollutions sur les nappes souterraines). La deuxième partie est relative au réaménagement du site après exploitation. La date d’arrêt d’activité de la décharge a été fixée au 31 décembre 2001.
2. Les travaux de réhabilitation de la décharge
2.1. Etapes et prestataires
La proposition de réalisation des travaux a été faite en deux phases. La première phase correspond à la partie Est du CET, et la deuxième à la partie Ouest. La date butoir pour la fin des travaux a été fixée à mars 2004.
La structure mise en place est la suivante : le maître d’ouvrage est la société UGINE & ALZ et le maître d’ ?uvre est la société ENTIME. Cette société a surtout élaboré un cahier des charges pour le réaménagement du CET, basé sur l’arrêté préfectoral.
Une entreprise mandatrice, la société COLAS, est aidée d’une autre entreprise spécialisée dans les espaces verts.
La réalisation des travaux est contrôlée à la fois en interne par la société COLAS (sur l’étanchéité ou la portance) et par une autre société en externe.
2.2. Les principales exigences de l’arrêté préfectoral de mars 2000
La couverture finale doit être une structure de type multicouches comprenant, du haut vers le bas :
– une couche d’environ 30 cm de terre végétale permettant le développement d’une végétation (objet d’un projet paysager)
– un niveau drainant d’un coefficient de perméabilité supérieur à 10-4 m/s
– un écran imperméable composé d’une géomembrane
– une couche de matériaux d’au moins 1 m, avec une perméabilité inférieure à 10-9 m/s
– une couche drainante
– une mise à l’air par la mise en place d’évents situés dans les points hauts du site
2.3. Un projet paysager sur le site
Le projet paysager reprend les espèces locales afin de recréer une diversité locale. Les plantes choisies ont un enracinement traçant pour éviter la perforation de la géomembrane.
Toutes les plantations périphériques existantes ont été conservées. Les plantations ont aussi été protégées. Pour les strates inférieures herbacées, un système de type prairie a été adopté. Pour les strates supérieures herbacées, on retrouve un système boisé. Au total, environ soixante espèces d’arbustes ont été plantées, ainsi qu’une vingtaine d’espèces peu poussantes. Au total, cela représente environ 20 000 arbustes à planter.
2.4. Prise en compte de la côte maximale et de la pente de la couverture
Au regard de l’arrêté préfectoral, deux autres points devaient être pris en compte : la côte maximale (57 mètres NGF) et la pente de la couverture (5%) avec une collecte de toutes les eaux de ruissellement du CET (soit une surface de 160 000 m2). Pour cette collecte des eaux pluviales, une quinzaine de lagunes de rétention ont été mises en place à différents endroits du site, ainsi qu’une lagune de contrôle, pour un total de près de 9 000 m3.
Un fossé périphérique a également été mis en place autour du site. L’objectif principal est de minimiser les rejets dans le milieu naturel. Pour cela, une station de pompage a également été mise en place pour utiliser les eaux de percolation à des fins d’arrosage, pour avoir de l’absorption par des végétaux et de l’évaporation maximale.
L’investissement est de l’ordre de 4,5 millions d’euros (environ 30 millions de francs) et la fin des travaux est prévue pour octobre 2003. Par la suite, la qualité de l’eau de la lagune de contrôle sera suivie. De plus, la qualité des eaux des nappes souterraines ne cessera d’être contrôlée (par le biais des piézomètres). Enfin, les espaces verts seront entretenus.
3. Echanges avec la salle
Blanche CASTELAIN
Combien de piézomètres seront utilisés ?
Frédéric SAWKO
Les piézomètres, déjà en place et situés à la périphérie du site, sont au nombre de cinq. Des contrôles sont effectués sur ces piézomètres quatre fois par an.
Mairie de Mazinghem
Quel sera le devenir du site après le réaménagement ?
Didier LEFEBVRE
Le site sera fermé au public pendant 30 ans. Au cours de cette période, il sera surveillé régulièrement et entretenu. Dans le contrat de base, il est prévu que cet entretien soit fait par une société locale pendant une période de deux ans. Le relais pourra ensuite éventuellement être pris avec une autre société.
Robert TROUVILLIEZ, Fédération Nord Nature
Pourquoi des évents sont-ils mis en place ?
Didier LEFEBVRE
Ces installations sont demandées par la réglementation (dans un arrêté ministériel). Mais elles n’ont pas la même nécessité et utilité que pour d’autres décharges, où par exemple une gestion du méthane dégagé est réalisée, pour produire de l’énergie.
De la salle
Quelle est l’épaisseur des déchets enfouis au centre ?
Didier LEFEBVRE
Le niveau est d’environ 15 mètres. La nappe phréatique est située à une profondeur de 40 mètres.
Sigles
CET : Centre d’enfouissement technique
NGF : Nivellement général de la France
Les documents, remis en séance, sont disponibles sur simple demande
Présentation du site d’Isbergues
Bernard HEBEISEN Directeur de la Société UGINE & ALZ (à Isbergues)
1. Le groupe ARCELOR
UGINE fait partie du groupe ARCELOR, dont les sociétés se répartissent en 4 secteurs. UGINE fait partie du secteur produits aciers inoxydables (50% du chiffre d’affaires du groupe).
La deuxième branche est celle des produits longs carbone et notamment les produits orientés construction.
Les activités de distribution, transformation et trading sont situées à l’aval des deux branches citées.
UGINE & ALZ est une société franco-belge. Les autres sociétés de cette branche sont J&L, ACESITA, THAINOX, IUP, TUBES INOX, INDUSTEEL.
2. Des ferro-alliages aux bobines en acier
2.1. A quelles fins sont utilisés les produits d’UGINE ’
Les produits de l’usine sont utilisés pour la fabrication des pots catalytiques en inox, car ils doivent résister à des températures plus élevées qu’auparavant. L’électroménager représente également une partie du marché, ainsi que le ménager (ustensiles de cuisine, par exemple). Les produits sont aussi utilisés en construction métallique, en décorations dans le bâtiment et pour la chaudronnerie.
2.2. Les étapes de fabrication
La première de fabrication est l’étape à chaud, appelée aciérie et utilisant des ferro-alliages et des matières premières fondues pour passer à l’état liquide. L’étape aboutit aux brames, des tôles très épaisses (épaisseur : 20 cm) qui sont refroidis.
La deuxième étape est le laminage à chaud. L’objectif est de transformer la brame en une bobine de tôle d’environ 3 mm d’épaisseur. Cette étape ne peut se faire qu’à chaud.
Le produit peut être vendu sous cette forme ou subir une deuxième transformation, à froid cette fois.
Cette transformation à froid a pour but de réduire l’épaisseur en fonction du besoin des clients et d’améliorer l’état de surface. Elle comprend les opérations suivantes : recuit, décapage et laminage à froid. La tôle peut ensuite être parachevée sous forme de feuilles, de rouleaux etc
Toutes ces étapes appartiennent au process classique.
Un autre process révolutionnaire existe à Isbergues : la LC2I. Il a nécessité de gros investissements et a démarré en 1999 : toutes les étapes " à froid " sont regroupées en une seule.
L’ARDOISE, dans le sud, est une aciérie. L’usine d’Isbergues est également une aciérie, mais elle fait aussi du laminage à froid. GENK, en Belgique, est une aciérie où se pratique aussi le laminage à froid. GUEUGNON est spécialisée dans le laminage à froid. Un site à Charleroi fait du laminage à chaud pour toutes les usines d’Ugine & ALZ.
Le site d’Isbergues comprend des fours à arc (utilisant le courant électrique comme énergie), un convertisseur (un outil ôtant le carbone du métal) et une coulée continue. Les produits finis de l’usine sont des bobines et des tôles d’acier inoxydable, dont l’épaisseur varie entre 0,3 et
4 mm. Le site emploie 1 274 personnes et son centre de recherches est amené à se développer. L’investissement de la LC2I en 1999 a profondément modifié le fonctionnement de la production de l’entreprise.
2.3. Les impacts environnementaux
Lorsque les matières premières sont transformées en produits finis, des impacts environnementaux surviennent. Les poussières sont un premier impact.
Les fours de l’aciérie font l’objet d’un dépoussiérage. Un deuxième impact sera étudié : une décharge arrêtée en 2002 et en cours de réhabilitation.
Le dépoussiérage par voie sèche des fours de l’aciérie électrique
Didier LEFEBVRE Responsable qualité, santé, sécurité et environnement de la société UGINE ET ALZ
1. Le procédé du dépoussiérage par voie humide
En 1971, l’aciérie électrique est mise en service. C’est une installation moderne, équipée de deux fours à arcs d’une capacité de 95 tonnes chacun, et d’une coulée continue.
Le four fonctionne avec trois électrodes et " le quatrième trou ", par lequel les rejets de poussières sont aspirés. Jusqu’au mois d’août 2002, le dépoussiérage était réalisé par voie humide, puis le dépoussiérage à sec a été mis en service.
L’inconvénient du dépoussiérage par voie humide est le suivant : les déchets évacués ne sont pas des poussières sèches, mais des boues, en quantités très importantes, requérant un traitement des eaux rejetées.
La réglementation imposait des poussières rejetées inférieures à 135 mg/Nm3. Les derniers rejets de poussières mesurées étaient de l’ordre de 80 mg/Nm3. Une mesure des rejets en dioxines avait également montré que l’entreprise se situait en dessous de la limite de 1g/an.
2. Le dépoussiérage à sec
2.1. Avantages économiques et environnementaux
L’évolution technologique des systèmes de dépoussiérage (filtres) a permis de passer au dépoussiérage à sec. Par ailleurs, un arrêté préfectoral demande la mise en place d’une filtration par voie sèche et impose une limite de 20 mg/Nm3 (7 fois moins que la limite antérieure). Enfin, la diminution du volume des boues est économiquement intéressante (la mise en décharge réglementée est très coûteuse).
La captation est suivie d’un refroidissement des gaz captés, d’une filtration et d’un stockage des poussières. Ces poussières sont ensuite évacuées et la chaîne de filtration s’achève par une cheminée. Les poussières sont évacuées par camion. L’investissement dans cette installation a été de 9 200 k’. Les débits sont de l’ordre de 100 000 Nm3/h, pour une puissance installée de l’ordre de 1000 kW. Les poussières rejetées sont mesurées en continu. En 2002, l’installation a fonctionné l’équivalent de 306 jours pleins.
2.2. Deux campagnes de mesures des dioxines, de métaux et de poussières
Les dioxines sont rejetées à hauteur de 0,124 ng/Nm3, soit un rejet annuel de 0,096 g/an, ce qui est très inférieur à la limite de 1g/an.
Les valeurs mesurées pour les poussières sont inférieures à 1 mg/Nm3, ce qui est encore une fois largement inférieur à la réglementation (20 mg/Nm3).
Pour le flux, des valeurs inférieures à 150 g/t d’acier sont requises et les valeurs mesurées étaient de 2 g/t. L’arrêté de 1998 concerne pour partie les rejets en métaux : pour les quatre principaux groupes de métaux évoqués, les rejets ont fortement diminué. Les rejets en plomb, par exemple, sont de 0,044 mg/Nm3, pour une valeur limite de 1 mg/Nm3.
Les quantités de poussières récupérées sont de l’ordre de 14 kg par tonne d’acier. Pour une allure de 450 000 tonnes par an (allure habituelle de l’aciérie), cela représente une quantité de 6 300 tonnes de poussières. 75% de ces poussières sont valorisées dans la filière du zinc (pour optimiser la récupération des métaux contenus), et les 25% restants sont évacuées vers un centre d’enfouissement technique. 1 575 tonnes par an sont enfouies, alors qu’avec l’ancienne méthode, il aurait fallu éliminer environ 18 000 tonnes de boues par an.
3. Echanges avec la salle
Jacques PATRIS, vice-président de la commission technique AIR
Quel est le coût à la tonne pour l’élimination des poussières ?
Didier LEFEBVRE
Environ 130 ? par tonne, auxquels on ajoute environ 20 ? de taxes. Mais la valorisation n’est pas gratuite, même si cela coûte parfois moins cher que la mise en décharge. " Valorisation " n’est pas forcément associé à des rentrées d’argent pour la société.
Reynald CLOET, La Voix du Nord
L’investissement était-il vraiment nécessaire puisque l’usine va fermer ?
Bernard HEBEISEN
La décision d’investir avait été prise avant l’annonce de la fermeture du site.
Blanche CASTELAIN, Fédération Nord Nature
Pourquoi le site ferme-t-il ?
Bernard HEBEISEN
La décision de fermer l’usine n’a aucun rapport avec le dépoussiéreur : elle est due à la logistique. En effet, le prix du transport des brames très élevé fait monter fortement le prix du produit fini.
De plus, les usines ont besoin de plus en plus de place, ce qui n’est pas possible à Isbergues. De nouvelles générations d’équipements sont apparues et celles du site ont aujourd’hui été déclassées par d’autres usines. L’entreprise ne peut pas continuer à exister à long terme si ce type de décision n’est pas pris.
De la salle
Quels sont les principaux concurrents du groupe ?
Bernard HEBEISEN
Quatre intervenants principaux agissent en Europe. Les européens sont très performants dans ce domaine. La zone européenne est une zone d’exportation : la production est supérieure à la consommation. Beaucoup de petits concurrents se développent très rapidement.
Jacques PATRIS
Quels sont les modes de transport utilisés pour les produits finis et pour les matières premières ?
Bernard HEBEISEN
Pour les produits finis, deux modes de transports sont utilisés : camions et rail.
La fabrication de l’inox nécessite de la ferraille (une grande quantité de ferraille est ainsi recyclée) constitué d’acier au carbone, mais aussi d’inox. Des alliages ou des apports d’éléments purs sont aussi utilisés dans la fabrication. Toutes ces matières premières proviennent du monde entier et sont transportées par la route ou par le rail. La voie fluviale est envisageable, mais cette option n’est pas utilisée aujourd’hui.
De la salle
L’usine compte-t-elle se servir de la plate-forme multimodale de Dourges ?
Bernard HEBEISEN
L’entreprise n’en n’a pas besoin. Le flux logistique est énorme mais bien géré par l’usine. Il n’est donc pas nécessaire de passer par Dourges pour cela. La durée du transport en serait même probablement rallongée, ce qui serait problématique pour l’entreprise.